FOAD en GRETA

Formation à distance : les Greta ne peuvent pas nous demander tout et n’importe quoi !

Les Greta ont subi la même désorganisation que leurs collègues de l’initiale dans la mise en place d’une formation à distance pour leurs stagiaires de la formation continue.

Ils/elles se sont retrouvé·es devant la nécessité de bricoler de la Foad (formation ouverte et à distance) avec leurs propres moyens (connaissances techniques et juridiques, matériels personnels…).

Et en conséquence de la marchandisation de la formation, c’est encore aux formateur⋅trices qu’on demande finalement des comptes pour prouver aux organismes financeurs des formations que la continuité pédagogique se déroule bien dans les Greta.

Qu’est-ce que la Foad ?

Il a été demandé aux organismes de formation continue (OF) par le ministère du Travail que « l’activité de formation soit maintenue via le déploiement de modalités de formation à distance ». Dans les faits, il a été demandé aux équipes de transformer leurs formations en cours en actions de FOAD, oubliant au passage que la Foad ne s’improvise pas et se prépare normalement en amont, de façon extrêmement précise.

En effet, une action de formation en Foad demande une ingénierie pédagogique très spécifique :

– une planification sur mesure des séquences pédagogiques, avec mention des objectifs à atteindre par période, et jalonnée par des activités d’évaluations ;

– une formalisation systématique de chaque étape accomplie par le stagiaire (et donc un outil pour formaliser !) : prescription du travail, durée estimée pour son accomplissement, date butoir, date effective de rendu, retours ou remédiations proposées…

– la mise en place d’une assistance technique ;

– une contractualisation dès le départ avec le stagiaire, qui précise très exactement les conditions matérielles de la formation, la durée et le découpage des séquences, ainsi que ses responsabilités légales et celles de l’OF ;

– délivrance par l’OF d’une attestation d’assiduité au stagiaire prouvant (au lieu des émargements) la poursuite de la formation.

Ce sont donc des moyens techniques qui doivent être mis à disposition des stagiaires et des formatrice⋅eurs et un scenario complexe auquel ils/elles doivent être préparé·es en amont de la formation.

Il est évident que ce n’est pas aux formatrice⋅eurs d’improviser un tel dispositif. C’est pourtant ce qu’ils/elles se sont attaché·es à faire pour garantir autant que faire se peut le lien avec leurs stagiaires.

Est-on soumis à la continuité pédagogique ? Doit-on mettre en place de la formation à distance ?

Une note de la DGESCO parue le 27 mars vient confirmer le flou intolérable auquel les OF sont soumis depuis le début de la période de confinement.

« Le ministère du travail a incité les organismes de formation à maintenir les sessions de formations engagées en cherchant des solutions pour les poursuivre à distance. »

Donc, les Greta ont été « incités » à maintenir l’activité. En réalité, en absence de garantie financière de l’État, ils en ont l’obligation pour obtenir leurs financements et assurer leur survie.

Avons-nous un appui pour assurer cette formation à distance ?

Non. La note continue : « Des solutions techniques sont déployées dans des formats différents selon les académies. »

Dans les faits, les équipes pédagogiques sont bien placées pour savoir que c’est elles qui ont improvisé la continuité, sans aide technique ni juridique des rectorats. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons des « formats différents » selon les académies.

Improvisation et incompétence mènent à une pagaille pédagogique et de potentiels problèmes juridiques, auxquels les formateurs et formatrices sont sommé⋅es de faire face dans chacun des GRETA.

Un appui pédagogique ?

Un peu tardivement, et pour faire bonne figure, la DGESCO a fourni des liens, dont la plupart vers des sites d’éditeurs de manuels ou d’OF privés venus faire leur publicité en jouant les bons Samaritains.

Sur le terrain, dans chaque Greta, chacun continue de gérer comme il peut, avec les moyens dont il dispose.

La plate-forme e-Greta aurait pu être utile dans la période. Elle possède effectivement les outils de suivis, de prescription et de communication qui répondent à certaines exigences pédagogiques de la FOAD… et aux attentes des financeurs ! Mais sa version est différente selon les académies (aucune uniformité malgré des demandes de formateurs depuis des années) et le manque de formation sur cette plateforme a empêché qu’elle puisse être pleinement opérationnelle.

Un appui juridique ?

La DGESCO place son entière confiance en les financeurs. C’est proprement scandaleux : « les financeurs publics ont revu les modalités de financements des activités pour maintenir les versements autant que possible dans le contexte de confinement. Il est essentiel de vous assurer du respect de ces critères et d’alerter la DGESCO au cas où cela ne serait pas possible. »

Dans de nombreux Greta ces critères se font attendre. Et que doit-on comprendre par révision des « modalités de financement » ? La remise en cause des cahiers des charges initialement mis en œuvre ? Des critères qui sortiraient du cadre légal de la RGPD ?

Alors que ces critères de financement ne sont pas connus, la DGESCO appelle à les respecter… à l’aveugle donc ! Comment les formateur·trices peuvent-ils/elles adapter leur travail dans un cadre qu’ils ne connaissent pas ?

Non seulement, l’appui juridique est inexistant, mais en plus, soumises au chantage du financement, les directions de nombreux Greta perdent raison et multiplient les demandes aussi insensées qu’illégales aux formateurs.

J’ai mis en place un suivi pédagogique avec mes stagiaires. Comment suis-je rémunéré·e ?

Il est quasiment impossible dans les Greta de mettre en place de vraies séances de formations dites « synchrones » (classe virtuelle), le CNED lui-même ne s’y frotte pas pour la formation initiale ! Elles s’inscrivent en général dans des séquences de formation à distance construite en amont, ce qui ne peut pas être le cas dans l’improvisation générée par la situation.

Les collègues qui ont néanmoins réussi à mettre en place ce type de dispositif (avec émargement virtuel, préparation du cours et rendus d’activité suite à ce cours) doivent être rémunéré·es en face à face pédagogique (FFP).

La majorité des enseignant⋅es ont mis en place de la formation dite asynchrone : envoi de travail aux stagiaires (cours, exercices ou tout autre élément pédagogique), accompagnement, réception et correction des productions, évaluations à distance.

Le référentiel d’activité des formateur·trices précise bien que ces interventions asynchrones en formation ouverte et à distance comptent également comme face à face pédagogique.

Comment décompter mes heures FFP en distanciel asynchrone ?

Le code du travail est avare de précisions le sujet. Néanmoins, l’article D-6313-3-1 nous explique : La mise en œuvre d’une action de formation en tout ou partie à distance comprend : […] Une information du bénéficiaire sur les activités pédagogiques à effectuer à distance et leur durée moyenne.

C’est donc la durée moyenne de travail mise en œuvre par le stagiaire qui compte : Lecture des documents et des supports, productions, remédiations… le temps pour effectuer ces tâches doit être estimé par le formateur⋅trice et clairement indiqué lors de la prescription de la séquence pédagogique.

C’est donc sur une estimation déclarative que ces heures sont décomptées pour les formateur⋅trices, comme pour les stagiaires. Cette estimation initiale du temps de déroulement de l’activité est primordiale !

Quelles preuves peut-on me demander ?

L’article 3 du décret 2018-1330 prévoit que la réalisation de l’action doit être justifiée par tout élément « probant ».

Pour autant, l’élément probant doit rester dans le cadre des autres règles en lien avec la législation informatique et liberté notamment le Règlement Général de la Protection des Données (RGPD).

Les preuves sont essentiellement administratives et déclaratives. Indiquées sur des supports comme un protocole individuel de formation, des fiches individuelles de prescription, des comptes rendus d’évaluation (bulletin), un livret du stagiaire (papier ou numérique) et des comptes rendus d’activité variés, ces preuves peuvent être nombreuses.

Mais qu’il s’agisse d’évaluations, de suivi et tutorat (téléphone, mail, plateforme numérique…), d’une activité collective ou collaborative, ces preuves ne peuvent être apportées que sous deux formes.

Soit une remontée automatique lorsqu’une plateforme est utilisée, c’est à dire l’extraction de données numériques variées (résultats d’évaluation, données Scorm, planning, notifications horodatées d’envois de message, notifications horodatées de dépôts de documents…). Soit un traitement par l’équipe pédagogique et un report manuel de l’information.

Dans le cas de l’accompagnement synchrone (classe virtuelle ou entretien téléphonique), il est indiqué de bien définir les plages de communication prévues à cet effet en les inscrivant dans un emploi du temps, qui viendra s’ajouter aux preuves qui peuvent être demandées par les financeurs.

 

Quelles preuves ne peut-on pas me demander ?

Aucune donnée personnelle des formateur·trices et des stagiaires ni aucun contenu pédagogique ne doivent être divulgués :

– mes supports pédagogiques, qui sont ma propriété intellectuelle ;

– les productions des stagiaires, qui sont leur propriété intellectuelle (hormis les compositions devant être transmises au jury d’examen pour les certifications professionnelles).

Éventuellement, certaines activités réalisées par les stagiaires (notamment celles des jalons des parcours en Foad) peuvent être demandées à posteriori par les financeurs pour contrôler la réalité du service fait.

– le temps de connexion des stagiaires et des formateurs sur le LMS (en général e-Gret@ dans les Greta) : la durée de connexion est parfois demandée, bien qu’elle n’ait aucune valeur (on peut être connecté sans travailler !), les heures de connexions en formation asynchrone sont des données privées qui ne concernent pas les financeurs ;

– le contenu des mails échangés ;

– les enregistrements audio ou vidéo lors d’une classe virtuelle, téléconférence ou un échange téléphonique (si un enregistrement est fait pour permettre une réutilisation, cela doit se faire avec le consentement des stagiaires) ;

– les relevés téléphoniques (les rendez-vous téléphoniques doivent être pris en amont et le temps de discussion peut faire l’objet d’une déclaration du formateur et du stagiaire). Les Greta qui demandent ce type d’information sont dans l’illégalité la plus totale puisqu’en plus d’imposer l’utilisation de téléphones personnels, ils demandent à entrer en possession de données privées ;

– des captures d’écran ou l’extraction d’information provenant d’applications privées : Messenger, WhatsApp, Zoom, Discord, diverses applications Google (google Drive, google Form), Apple ou Microsoft… ou toute application qui fonctionne avec un compte personnel.

D’ailleurs, il est conseillé aux formateur·trices qui utilisent ce type de plateforme de faire signer une décharge aux stagiaires afin de se couvrir juridiquement.

Comment justifier mes heures de travail ?

Dans cette situation exceptionnelle, chacun a fourni des trésors d’ingéniosité pour répondre aux impératifs qui nous ont été donnés (continuité pédagogique !), sans compter ses heures.

Pourtant la formation à distance ne devrait pas engendrer la multiplication du temps de travail. Dans les Greta, ce sont aux Dafco/Dafpic, à travers les équipes de CFC (qui doivent eux-mêmes être accompagnés et orientés pratiquement et juridiquement), de repenser l’ingénierie pédagogique de chaque formation pour les adapter à une logique Foad et d’en faciliter les procédures et la compréhension pour les équipes.

En attendant une clarification de ces procédures, il est conseillé aux formateur⋅trices de vérifier si les informations suivantes pour chaque séquence ont bien été consignées :

Type d’activité prescrite, temps estimé de mise en œuvre, date d’envoi, modalité d’envoi, type de production attendu de la part du stagiaire, date de retour du stagiaire, modalité d’accompagnement (date et heures de l’accompagnement, outil de communication utilisé).

 

Pour toute information complémentaire, consulter :

http://www.fffod.org/s-informer/article/les-decrets-qui-interessent-les-acteurs-de-la-foad

https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/formations_multimodales.pdf

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