PRESSE: souffrance des collègues qui travaillent à l’administration Centrale à la DGESCO

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Exclusif : Faillite des relations humaines de proximité au sein même du ministère…

L’éducation nationale est-elle devenue France Telecom ? Les enseignants se plaignent souvent du mépris qui les accable. Il n’est pas indifférent de montrer que celui-ci a maintenant cours également à « la centrale », au sein même des services centraux du ministère. Deux documents que le Café pédagogique s’est procuré, le rapport d’audit sur les relations humaines au sein de la Dgesco de décembre 2019 et le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 28 juin 2019, en attestent. Souffrance au travail, guerre des chefs, absence d’écoute, dévalorisation des agents sont le quotidien des agents de la rue de Grenelle. Alors que JM Blanquer promet le « bonheur professionnel » au personnel de l’éducation nationale, il est loin de régner à la porte de son bureau. Des indicateurs objectifs mesurent la dégradation de la situation depuis 2017.

Un rapport officiel sur la Dgesco

A l’origine de ce rapport une demande d’expertise des représentants du personnel au CHSCT de l’administration centrale en juin 2019. Elle se traduit par une mission confiée par la secrétaire générale du ministère aux inspectrices santé et sécurité au travail Delphine Demoncheaux Raggiri et Véronique Juban. La lettre leur demande d’étudier les risques psychosociaux après la réorganisation de la Dgesco décidée par JM Blanquer en juillet 2019.

En charge de l’enseignement scolaire, la Dgesco compte 283 agents issus pour partie des corps administratifs, pour partie de personnels propres à l’éducation nationale (enseignants, inspecteurs, personnels de direction). C’est la direction la plus importante de l’administration centrale et son directeur apparait comme le numéro 2 du ministère. C’est aussi une administration que connait bien JM Blanquer puis qu’il l’a dirigée durant deux années entre 2010 et 2012. La réorganisation de 2019 a par exemple supprimé la « sous direction du socle commun » pour la remplacer par une « sous direction des savoirs fondamentaux et des parcours scolaires »…

Pour élaborer leur rapport, les deux inspectrices ont rencontré quelques obstacles : rapports non transmis, données non transmises par exemple sur les demandes de mutation ou le nombre d’arrêts de maladie. Mais elles ont pu mener des entretiens individuels discrets, lancer un questionnaire anonyme, interroger les chefs de service.

Souffrance et mépris au travail

Ce qui ressort de leur rapport ce sont des relations humaines très dégradées au sein même du ministère.  » Lors des entretiens individuels, la mission a pu relever des situations de souffrance, concentrées sur certains bureaux. »

La charge de travail pèse sur les employés.  » « Les agents font part à la mission ; d’horaires extensibles, de pauses repas devant l’ordinateur, de travail le soir, les week-ends et pendant les congés. Les dépassements d’horaires sont banalisés, connus de l’encadrement et les récupérations sont difficiles à obtenir ». D’autant que le travail n’est pas priorisé. Par exemple toutes les demandes des deux cabinets (Blanquer et Attal) passent comme prioritaires en court circuitant la voie hiérarchique. Les questionnaires anonymes montrent à 83% un dépassement des horaires de travail régulier.

La Dgesco est animée par une belle guerre de bureaux avec des chefs interdisant à leurs employés d’échanger avec le bureau voisin.  » Les agents font part à la mission des difficultés à travailler avec les collègues des autres bureaux de la DGESCO (voire interdiction), rivalités entre chefs de bureaux de la centrale, des pratiques managériales inappropriées (« vous êtes payés pour obéir, pas pour penser », « management brutal, infantilisant, pinailleur », « dévalorisant voire humiliant ») », note le rapport. Selon les questionnaires, 80% des agents signalent des injonctions contradictoires et 64% une absence d’écoute des managers.

Dans cette guerre des chefs, « il est signalé à la mission une volonté de faire partir les anciens à l’arrivée d’un nouveau chef de bureau, pour se créer sa propre équipe ».

La réorganisation de la Dgesco et l’arrivée d’un nouveau directeur avaient éveillé des espoirs qui sont déçus. Des employés  » ne voient pas d’amélioration possible et font état de leur désarroi et de leur souffrance ». 80% des personnels ayant répondu au questionnaire anonyme disent être au contact de collègues en souffrance.

Dégradation de la santé des agents

Le rapport évalue sans ambiguïté la dégradation de la situation depuis 2017. Les inspectrices constatent « une augmentation des demandes de visites médicales sur les sujets risques psycho sociaux entre 2016 et 2019 (0 en 2016, 7 en 2017, 17 en 2018 et non renseigné pour 2019). Elles notent aussi une augmentation du nombre de postes vacants entre 2016 et 2019 (10 en 2016, 21 en 2017, 18 en 2018 et 26 sur les neuf premiers mois de 2019).

Dans leurs préconisations, les inspectrices demandent de revoir l’organisation de la charge de travail. Notamment elles souhaitent que soit revue « l’orientation des demandes des cabinets » en leur faisant suivre la voie hiérarchique. Elles demandent aussi que les chefs de service se voient rappeler leurs obligations en matière de prévention des risques psycho sociaux, déjà en remplissant les données légales.

Les révélations du CHSCT

Ce rapport sévère est pourtant en dessous de la réalité décrite dans le compte rendu de la réunion du CHCT du 28 juin, un autre document que nous nous sommes procurés. Ce compte rendu cible précisément des bureaux de la Dgesco (et aussi de la DNE) et certains chefs de bureau, parmi les principaux.  La réorganisation des services du ministère a entrainé des départs forcés mais le compte-rendu montre aussi que des agents sont heureux de partir tant la situation est dégradée.

Une experte CGT du CHSCT rappelle que « les chefs de bureau sont évalués sur ce qu’ils produisent, sur la production qu’ils obtiennent des agents par rapport aux commandes, mais ils ne sont jamais évalués sur les conditions dans lesquelles il l’obtiennent ». A propos des cadres elle note « une absence de considération, de respect, de bienveillance, des  humiliations publiques dans les couloirs ». Par exemple une chef de bureau qui dit à une de ses agentes « ici vous n’êtes rien ». Bonjour l’ambiance !

Si le rapport est moins percutant cela tient sans doute au fait que les personnes arrêtées pour risques psycho sociaux n’ont pas été entendues. Celles qui sont parties ne l’ont pas été non plus. A la différence du compte-rendu, le rapport se garde bien de citer les bureaux et les chefs de service qui sont responsables des risques psycho-sociaux. Rien ne dit qu’ils soient sanctionnés.

Un autre regard sur « la gestion de proximité »

JM Blanquer a fait de l’amélioration de la gestion des ressources humaines à l’éducation nationale un de ses thèmes favoris quand il s’adresse au Parlement ou dans les médias. Il a lancé l’idée d’une gestion « des relations humaines de proximité ». Il n’hésite pas à promettre un mieux-être à ses personnels et même leur « bonheur professionnel ».

Il semble pourtant qu’à la porte de son bureau, dans l’administration qu’il connait le mieux, les réformes qu’il a introduites et le type de gestion qu’il impulse quotidiennement aient considérablement dégradé la vie des agents du ministère.

François Jarraud

Le rapport

Sur le décret sur la réorganisation de la Dgesco

 

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