La réforme Delevoye risque de creuser un trou de 67 milliards d’euros par an dans le financement des retraites

Ce qui frappe le plus dans le projet de réforme des retraites du gouvernement, compte tenu de l’ampleur du bouleversement qu’il propose, c’est son niveau d’imprécision et l’absence de tout chiffrage sérieux de ses effets tant globaux qu’individuels. Il n’est pas étonnant dans ces conditions (et plutôt sain) que ce projet se révèle aussi anxiogène.

Le plus impressionnant à ce niveau concerne un des points centraux de cette réforme censée créer un système de retraite unique avec des taux de cotisation eux aussi uniques. « Il est proposé que le taux de cotisation des salariés et assimilés soit fixé à 28,12%. Il sera partagé à 60% pour les employeurs et à 40% pour les assurés. » disait le rapport Delevoye. « Tous les salariés et leurs employeurs, quels que soient le secteur d’activité ou la nature juridique de l’employeur, seront traités identiquement du point de vue des cotisations » ajoutait-il.

Il en résulte un taux unique de cotisation patronale pour les retraites de 16,87 % rapporté au traitement brut des salariés.

Or aujourd’hui ces taux sont très différents suivant les secteurs. Ils sont surtout très supérieurs à ce niveau dans le secteur public : ils sont de 74,3 % dans la fonction publique d’État et de 30,6 % dans les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière. Alors que ce taux n’est que de 16,5 % dans le privé.

Ces différences résultent pour une part de retraites plus généreuses du secteur public par rapport à la masse salariale distribuée mais aussi et surtout d’une évolution démographique défavorable à l’emploi public du fait des mesures d’austérité prises dans ce domaine, et en particulier au niveau de L’État central, depuis de longues années maintenant. Il y a de ce fait aujourd’hui davantage de retraités par actif dans le secteur public que dans le secteur privé.

Si on calcule la moyenne des taux actuels de cotisation patronale pour la retraite en pondérant les masses salariales des différents secteurs, on aboutit à un taux de 23,8 %. Or ce n’est pas du tout le taux prévu par le projet du gouvernement : celui-ci veut au contraire aligner les taux de cotisation patronale sur le taux le plus bas, celui du secteur privé.

Entre le taux de 16,9 % prévu par le gouvernement et les 23,8 % moyens actuels, le trou de presque 7 points de cotisations équivaut en 2018 à un manque à gagner de 63 milliards d’euros par an pour les retraites. Auxquels il convient d’ajouter les quelques 3,8 milliards d’euros de pertes de recettes estimées par l’Agirc-Arcco résultants de la sortie du système obligatoire des revenus salariaux excédant 120 000 euros annuels. Soit un total de l’ordre de 67 milliards d’euros de trou par an, 3 points de PIB ou encore une baisse de 22 % du financement des retraites.

Or nulle part dans le rapport Delevoye comme dans les éléments communiqués depuis par le premier ministre, il n’est précisé par quel miracle le financement des retraites est supposé rester constant après la réforme malgré cette chute spectaculaire des cotisations patronales.

En fait il n’y a pas grand chose qui tienne la route dans cette réforme à commencer par les éléments les plus basiques de son équation financière.

Source : Guillaume Duval – article complet sur https://www.alternatives-economiques.fr/guillaume-duval/reforme-risque-de-desequilibrer-fortement-financement-retraites/00091464?fbclid=IwAR1Rkebv4SNfypRpwVlQP1FvG6831VUoe0Gzefsz7kVyuSkFBJbdPjrbp3A

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