Le 1er mars 2017, la classe de Ilyas, Mamadou et Zakaria rentre d’un voyage scolaire à Bruxelles.
Arrivés à Paris, en descendant du train à la gare du Nord, les trois lycéens subissent deux contrôles d’identité. La classe comprend cinq garçons, les trois seuls à être contrôlés sont ceux qui ont la peau la plus foncée.
Zakaria et Mamadou doivent ouvrir leurs valises à la vue de tous.
La situation est « très humiliante », se rappelle Elise Boscherel, leur professeure qui les accompagne. Elle tente à plusieurs reprises d’intervenir sans être écoutée par les policiers. Lorsque ceux-ci haussent le ton, les élèves se mettent devant leur professeure, enceinte, pour la protéger.
Ils lui diront par la suite que ces contrôles font tellement partie de leur quotidien, qu’ils ne se rendent parfois même plus compte qu’ils ne devraient pas avoir lieu. Ce jour-là, ce qui les choque, c’est de voir les policiers manquer de respect à leur professeure.
Elise Boscherel met finalement un terme au contrôle en demandant à ses élèves de la suivre. Très choquée, elle se rend au commissariat mais les policiers lui répondent qu’« il est hors de question qu’on prenne une plainte contre nos collègues. »
Elle entre en contact avec l’avocat Slim Ben Achour, qui a obtenu en 2016 la seule condamnation de l’Etat dans une affaire de contrôle au faciès. Les trois élèves sont d’accord pour porter plainte.
En première instance, le tribunal déboute les trois lycéens, estimant que le contrôle n’était pas discriminatoire dans la mesure où tous les élèves de la classe étaient issus de « minorités visibles ».
La cour d’appel, elle, a « jaugé l’échantillon contrôlé non pas par rapport à l’effectif de la classe entière, mais par rapport à l’ensemble de la population qui, descendant du train, se trouvait sur le quai et n’a pas été contrôlée ». Elle a donc considéré qu’il y avait « dans le ciblage de ces trois garçons un indice suffisant d’une sélection fondée sur leurs seules caractéristiques physiques ».
La CGT salue cette décision de justice.
« En tant que syndicat, on s’est toujours battu contre le racisme, on condamne ces contrôles au faciès où qu’ils se passent. » commente Céline Verzeletti, secrétaire confédérale, avant de préciser « Les policiers sont censés être là pour protéger la population, pas être coupables de discrimination envers les jeunes ! »
Elle rappelle la première condamnation de l’Etat en 2016 : « c’est ce qui nous a permis de dire, à la CGT, qu’on était face à un racisme systémique, qui n’est pas le fait de quelques personnes isolées. Ces contrôles au faciès sont une déclinaison du racisme d’Etat. »
Suite à cette condamnation, l’Etat aurait dû prendre des mesures telles que la remise d’une preuve à l’issue du contrôle ainsi que des possibilités de recours simples et efficaces pour les personnes contrôlées. Ce n’est toujours pas le cas. Amnesty International et cinq autres ONG ont lancé une action de groupe en janvier 2021, mettant l’Etat en demeure d’agir.