Tribune parue sur France TV info
Les rixes qui ont eu lieu ces dernières semaines nous choquent, nous attristent, car elles provoquent la mort d’adolescent.e.s, créent des situations de douleurs et de souffrances chez les jeunes, au sein de leurs familles, et dans leurs entourages. Passé le temps de la sidération, de l’incompréhension et de la colère, il nous faut réfléchir ensemble aux solutions pour prévenir leurs renouvellements et tenter d’éviter des drames terribles.
Car en tant que citoyens, parents, professionnels de l’éducation et du social, acteurs de la justice des mineurs, enseignants, animateurs sociaux, médiateurs, représentants du monde associatif, nous tenons à rappeler que l’on parle d’enfants et jeunes adultes pour qui notre société à un devoir d’éducation et de protection. Nous ne pouvons pas rester sans réagir et nous pouvons apporter nos analyses et propositions de solutions.
Premier constat, le phénomène des bandes existe depuis toujours ; même s’il ne constitue pas le quotidien de la justice des mineur.e.s et que des désaccords font jour entre ministère de la justice et ministère de l’intérieur sur son importance et notamment sur son augmentation. Depuis quelques années, il prend une forme nouvelle par le canal des réseaux sociaux et une importance plus grande du fait de sa médiatisation.
Les regroupements violents des adolescent.e.s et jeunes majeur.e.s viennent signifier aux adultes et aux institutions leurs difficultés à vivre dans certains de nos quartiers et de nos villes.
Loin des propos hâtifs, sécuritaires et des « brèves de comptoir », échangés largement par des chroniqueurs et des politiques dans certains médias, nous disons que la plupart de ces jeunes, parfois en situation de délinquance, parfois violents, sont avant tout des jeunes en souffrance, en difficultés sociales, scolaires, personnelles.
Les réponses simplistes seront une fois de plus insuffisantes à régler un problème de fond et n’apporteront que quelques satisfactions médiatiques à des citoyens inquiets.
Les trois rixes qui ont eu lieu dans le département de l’Essonne et Seine Saint Denis ces derniers jours, occasionnant décès et blessures graves, questionnent plus largement sur l’existence, l’insuffisance voire l’absence de moyens pour les services publics d’éducation et de protection de l’enfance, de prévention spécialisée et de médiation.
Comme ont pu le rappeler des médiateurs intervenant dans les quartiers, pour les jeunes, se regrouper en bande « c’est une façon de se protéger », face à un monde dangereux parfois relégué, où la confrontation sociale avec les pairs peut rapidement survenir, entraînant des réactions violentes désastreuses et dramatiques, souvent regrettées quelques instants après, mais hélas trop tard….
Pourquoi de telles situations ?
Un double constat : l’absence de dialogue avec la jeunesse et une prévention spécialisée absente ou en recul dans beaucoup de territoires de notre pays.
Aujourd’hui, dans beaucoup de quartiers, les jeunes peuvent être livrés à eux-mêmes. La plupart des services publics sont menacés et fonctionnent avec des moyens ne leurs permettant pas d’offrir un service de qualité à la population avec des horaires adaptés pour tous les âges notamment les jeunes. Quant à la prévention spécialisée, celle-ci fait cruellement défaut sur certains territoires, ne disposant pas des moyens suffisants pour mettre en place des actions d’envergure à la hauteur des besoins et des enjeux.
Le monde associatif est présent, de plus en plus investi, porteur d’idées novatrices.
Mais si son intervention repose sur des bonnes volontés incontestables et une énergie notable des acteurs, elle ne saurait combler le vide, trop souvent constaté, laissé par la disparition des services publics. Le manque de locaux pour l’accueil des publics jeunes et la baisse des subventions vers ces associations rendent leur action de plus en plus fragile.
Ennui, désœuvrement, frustration, phénomènes d’errance : certains jeunes se créent des espaces qu’ils investissent avec parfois des conséquences sociales et judiciaires qu’ils ne mesurent pas.
Face à une telle situation, il est plus qu’urgent de rompre avec les politiques sociales, éducatives, économiques en vigueur depuis ces trente dernières années.
Cela passe par un réinvestissement public des espaces, notamment dans les territoires urbains et ruraux touchés par la désertification des services publics !
Pour cela, nous proposons que soient mis en débat et en action les propositions suivantes :
- mise en place d’une éducation à la non-violence en direction des enfants et des adultes avec l’ensemble des acteurs de l’éducation et de la protection de l’enfance dans laquelle l’Éducation Nationale devra avoir un rôle, majeur, à jouer ;
- renforcement des services de la prévention et de la protection de l’enfance ;
- renforcement de la place et du rôle des familles, loin des paroles et mesures stigmatisantes ;
- création de postes supplémentaires de médiateurs sociaux, bien formés, disponibles sur l’espace public et à des horaires adaptés ;
- soutien des associations locales en terme de moyens au regard de leur rôle essentiel et complémentaire dans les solidarités et la prévention quotidienne ;
- développement d’une politique de soins à l’adresse de certains jeunes en grande souffrance psychologique notamment par la mise en place de services de pédopsychiatrie et de CMP en nombre suffisant et accessibles, permettant de détecter les difficultés le plus tôt possible, si besoin en lien avec les écoles et les associations, pour les prévenir le plus en amont ; *
- accroissement de la place des adultes auprès des jeunes en établissant une politique où chacun peut par son action participer à la co-éducation, ceci afin d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard.
Ces mesures ou axes de réflexion ne peuvent avoir de sens que si l’on remet de manière substantielle les moyens vers l’éducation, la prévention spécialisée, la médiation et l’ensemble des services publics notamment dans les départements les plus pauvres et sous dotés budgétairement. Ces jeunes ont avant tout besoin d’être écouté.e.s, valorisé.e.s, accompagné.e.s de percevoir qu’un avenir est possible pour elles et eux dans la société et ceci grâce à un étayage par des adultes rassurant et repérés.
Depuis trop longtemps, les politiques libérales ont déconstruit l’état social au profit de politiques sécuritaires renforçant les mesures pénales et leur mise en œuvre, au détriment d’un travail de fond, en amont. Aujourd’hui, il faut faire le choix de la prévention et de l’éducation.
Signez la pétition
La liste des premiers signataires :Françoise Dumont, présidente d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme – Katia Du breuil, présidente du Syndicat de la magistrature – Estellia Araez, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF) – Sonia Ollivier, co-secretaire nationale du Syndicat national des personnels de l’education et du social à la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ FSU) – Benoît Teste, secrétaire général de la FSU – Malik Salemkour, président de la Ligue des Droits de l’Homme – Marwan Mohammed, sociologue- Laurence De Cock, historienne, membre de la LDH – Rodrigo Arenas, co-président de la FCPE – Brice Castel, co-secrétaire général SNUASFP FSU – Carlos Lopez, éducateur à la PJJ, ancien co-secrétaire national du SNPES-PJJ-FSU – Yazid Kherfi, association Médiation nomade. – Carole Sulli, avocate, commission mineurs du SAF – Lakdar Kherfi, militant associatif – Laurence Roques, prési-dente de la Commission Libertés et Droits de l’Homme du CNB – Nathalie Andrieux Henne quin, co-secretaire générale SNUASFP FSU – Sophie Legrand, secrétaire générale du Syndi cat de la magistrature, juge des enfants – Meriem Ghenim, avocate au barreau de la Seine Saint-Denis – Hélène Puertolas, co-Secrétaire générale SNUTER-FSU – Pascal Filleul, se crétaire départemental Inter 87-FSU – Nadir Kahia, président de Banlieue + – Belabbas Mehdy, militant associatif, éducateur PJJ – Nathalie James, co-secrétaire nationale SNPES PJJ/FSU – Carla Dugault, co-présidente de la FCPE – Simon Duteil, co-délégué général Union syndicale Solidaires – Murielle Guilbert, co-déléguée générale Union syndicale Soli daires – Herve Hamon, magistrat honoraire, ancien président du tribunal pour enfants de Pa ris, membre de l’AFMJF – Anne Leclerc, éducatrice retraitée, ancienne secrétaire générale du SNPES-PJJ/FSU – Christophe Caron, éducateur PJJ, co-secrétaire national SNPES-PJJ/ FSU. – Élisabeth Audouard, avocat – Claire Grover, présidente et bénévole de l’Association Bagagérue – Benoît Hubert, secrétaire général du SNEP-FSU t Pierre Lecorcher, secrétaire général adjoint CGT PJJ – Aurélie Trouvé, porte-parole d’ATTAC- Raphael Pradeau, porte parole d’ATTAC – Alexandra Meynard, dirigeante confédérale en charge du service public – Yannick Apy, chargé de mission formation professionnelle – Philippe Piau, comédien, met teur en scène, membre du réseau des Dialogues en humanité- Fanny Salane, enseignante chercheuse en sciences de l’éducation, Université Paris Nanterre – Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon, ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, co-initiateur de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 – Malek Boukerchi, anthropologue du lien social, philoconteur, ultramarathonien de l’extrême – Pierre Ravinet, responsable associatif – Jean Jacques Yvorel, éducateur, historien, chercheur associé au CESDIP. – Esther Tonna, membre de la CE de l’UFAS CGT – Sophie Herlin, membre de la CE de la Fédération des Services Publics CGT – Céline Verzeletti, responsable confédérale CGT – Christophe Daadouch, for mateur – Christine Cayre – Marc Brzegowy, directeur honoraire Protection Judiciaire de la Jeunesse – Nicolas Beriot, citoyen – Jeanne Demoulin, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, université Paris Nanterre – Éric Roulot, maire (PCF) de Limay. – Xavier Beaudoin, formateur spécialiste en pédagogies créatives, praticien-chercheur en économie circulaire, optimisation et mutualisation des usages. – France Doerler – Muriel Scibilia – Bertrand Baudez, facilitateur de relations humaines – Médiateur – Myriam Correcher, en seignante, visiteuse de prison (Fresnes) – Aïcha Naceh, directrice adjointe de centre de loisirs, travailleur social. – Murielle Maffessoli, directrice pour l’association Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville (ORIV) – Stéphane Danancier Pavo, dessinateur de presse. – Pascal Marcault – Anne de Béthencourt, fondatrice de Reset the World, directrice du déve loppement de la Heart Leadership University – François Besse, ancien détenu – Olivier Bri to, maître de conférences en sciences de l’éducation, Université Paris Nanterre – Lucille Rouet, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature, juge des enfants – Kristel Le peu, avocate – Florence Chopin, avocat – Céline Azema, vice-présidente du tribunal pour en fants de Toulouse – Anaïs Vrain, juge des enfants – Josiane Morel Faury, avocat Michèle Zemor, professeur retraitée, ex-conseillère région Île-de-France, vice-présidente de l’association Plaine Commune, adjointe au maire de Saint-Denis – Juliette Beigelman, an cienne éducatrice PJJ, élève-avocate – Valerie Perret, avocate – Dominique Attias, avocate d’enfants, ancienne vice-bâtonnière du Barreau de Paris – Hervé Heurtebize, éducateur spé cialisé, secrétaire national SNUTER-FSU – Catherine Delanoë Daoud, avocate, membre de l’Antenne des mineurs – Gaelle Chollet, assistante de service social SNUTER18-FSU – Ra chida El Hajoui, adjointe au maire de la ville de Limay (jeunesse, insertion professionnelle et emploi) – Sandrine Fornara, conseillère en formation continue, GIP Formation tout au long de la Vie (Nancy) en charge de la professionnalisation des médiateurs sociaux en contrat adultes-relais du Grand-Est – Sébastien Carpentier, juge des enfants au tribunal judiciaire de Nanterre- Julie Maire, – Isabelle Roth, avocat au Barreau de PARIS – Johanne Sfaoui, avo cate au Barreau de PARIS – Thierry Brigodiot, chef d’une petite entreprise – Dominique Gregori Gilbert, – Delphine Colin, secrétaire nationale UFSE CGT – Marie Buisson, secré taire générale FERC CGT – Sophie Leonard, psychologue/musicothérapeute – Jacques Le comte, docteur en psychologie, président d’honneur de l’Association française de psychologie positive, membre du mouvement convivialiste et du comité scientifique de la Fondation Nico las Hulot. – Odile Barral, juge des enfants – Éric Roulot, maire de Limay – Samia Chi ki, journaliste et militante associative – Nawel Oumer, avocate et médiatrice, antenne des mi neurs du barreau de Paris – Judith Zaoui, avocat – Nancy Bragard, facilitatrice – Annie Lah mer, conseillère Régionale Ile de France – Samir Allel, sociologue – Béchir Saket Bouderba la, consultant en affaires publiques, porte-parole de L630 – Pierre Serne, conseiller régional écologiste d’Ile-de-France, conseiller municipal de Montreuil (93)- Nour Durand-Rau cher, conseiller de Paris délégué à la prévention, médiation, sûreté dans le 11e. – Jérome Cas teran, co-secrétaire national du SNPES PJJ FSU – Jean-François Monino, président d’Au bermédiation, maire adjoint honoraire d’Aubervilliers – Khaled Benmohamed, adjoint au Maire de Vitry-sur-Seine – Jean Marc Soubeste, conseiller municipal et communautaire. La Rochelle – Vanina Padovani, avocate – Gérard Gilbert, retraité – Paul Devin, président de l’Institut de recherches de la FSU, secrétaire général du SNPI-FSU – Clémentine Autain, dé putée (La France insoumise) de Seine-Saint-Denis – Elsa Faucillon, députée (PCF) des Hauts-de-Seine – Rabah Bouchaib, – Éliane Assassi, sénatrice (PCF) de la Seine-Saint-Denis – Vito Fortunato, Co-secrétaire national du SNPES-PJJ/FSI – Nabila Keramane, cadre EELV, ex-consillère régionale 7