Au moment où nous écrivons ces lignes, la loi « Séparatisme » est étudiée en première lecture à l’Assemblée nationale. Avant même son vote, nous ne pouvons que constater qu’il s’agit d’une loi permettant de basculer dans une « laïcité de contrôle » [1], pour reprendre les termes de l’historien Philippe Portier.
e projet de loi comporte 57 articles et prévoit de nouvelles infractions visant à la fois des « comportements », des « déclarations » ou des « groupes » qui agiraient à l’envers des « principes républicains », comme la loi a été
rebaptisée.
Ainsi, l’article 8, permet de dissoudre une association si l’un·e de ses membres commet des actes répréhensibles ou a des déclarations répréhensibles, même si ce n’est pas au nom de l’association en question.
L’article 6, oblige toute association, pour obtenir une subvention publique, à signer un « contrat d’engagement républicain ». En commission il a été explicitement précisé que cela visait des associations qui aideraient des migrant·es et certaines associations « musulmanes »… Certaines villes, comme Montpellier, font déjà signer une « charte de la laïcité » aux associations, interrogeant au fond quel sens il est donné au mot « laïcité ».
Toucher à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 est ouvrir la boite de Pandore. En ce sens, on ne peut pas être surpris qu’Emmanuelle Ménard, députée d’extrême-droite, propose de modifier l’article 1er de la loi de 1905 en changeant le mot « République » par l’expression « État français » et en ajoutant à cet article une référence aux « racines chrétiennes de la France ». Aurore Bergé (députée LREM), pour sa part, propose d’interdire toute manifestation d’opinion religieuse, philosophique ou politique à toute personne participant à une mission de service public.
Sur cette proposition, l’historien Jean Baubérot considère que ce renforcement des interdictions professionnelles contribuera à obliger [les femmes qui portent le voile] à chercher un emploi dans une association ou une entreprise communautaire, alors qu’elles voulaient entretenir une relation de proximité et de distance avec leur communauté. […] Ce projet va accentuer un glissement anti-laïque de la neutralité de la puissance publique vers une neutralité imposée à des secteurs de la société civile (les associations) et à des individus (celles et ceux qui travaillent dans les organismes ayant délégation de service public) [2].
Comme le rappelle la CGT dans un communiqué, « personne n’est dupe : ce sont bien les citoyennes et citoyens de confession musulmane qui sont visés par ce projet de loi ».
La députée LR Anne-Laure Blin propose d’interdire le port de signes religieux aux mineur·es. Il va de soi que dans tout ça il faut défendre mordicus l’enseignement privé sous contrat, le plus souvent confessionnel, le plus souvent catholique, en l’excluant de l’article 1 pourtant censé garantir « neutralité et laïcité dans le service public ». Notons, enfin, que le député Éric Diard (LR) propose que les débats soient interdits en Éducation Morale et Civique.
La FERC-CGT reprend les termes de la CGT contre ce projet de loi, en rappelant son attachement à la laïcité telle que définie dans la loi de 1905. La modifier, comme le projette l’exécutif, risque de détruire cet équilibre et de renforcer l’instrumentalisation de la laïcité. Cette instrumentalisation est doublement dangereuse : elle fait le jeu de l’extrême droite et divise la société.