Le financement du régime de garantie des salaires (AGS) se voit menacer par une ordonnance concoctée par le Ministère de la Justice.
Ce texte, qui est une transposition d’une directive européenne « sur la restructuration et l’insolvabilité » datée du 20 juin 2019, modifie l’ordre des créanciers privilégiés.
Créée en 1973 à l’aune du premier choc pétrolier, par l’ancêtre du Medef, l’AGS a pour rôle de se substituer à l’entreprise liquidée quand celle-ci ne dispose pas des fonds nécessaires pour payer les salaires.
« La mission principale de l’AGS à vocation sociale consiste à accompagner et soutenir les entreprises dans les procédures collectives en avançant les fonds nécessaires au paiement des créances salariales. Qu’il s’agisse de conseils, d’avances financières ou de suivi, l’AGS est un véritable amortisseur social qui permet de préserver l’emploi et de maintenir la viabilité économique de l’entreprise, et plus largement de soutenir le rebond de l’activité économique française », expose le site de l’AGS.
En 2020, l’AGS a versé environ 1,2 milliard d’euros en salaire à près de 100 000 salariés
L’AGS est financée par une cotisation patronale et les biens recouvrés des entreprises liquidées. L’ordonnance prévue par le gouvernement fragilise ce modèle de financement.
Actuellement, l’avance sur les salaires octroyé par l’AGS lui est remboursé grâce à la vente des actifs de la société liquidée (actifs immobiliers, véhicules, moyens de production, etc), selon le principe de « superprivilège » prévu par la loi.
Ce « superprivilège », qui permet à l’AGS d’être remboursé avant les autres créanciers est menacé.
Selon les experts entendus par Médiapart, la rétrogradation du superprivilège pourrait entraîner une baisse des recettes de l’ordre de 320 millions d’euros en 2021. Ce qui assécherait l’AGS dans une période où le nombre de liquidation risque d’exploser.
Le texte prévoit par ailleurs de retirer les actifs immobiliers des sommes récupérables par l’AGS au profit des banques.
Syndicats et organisations patronales sont opposés à ce texte. Les organisations patronales redoutent une augmentation de la cotisation patronale pour compenser la rétrogradation du superprivilège de l’AGS, tandis les syndicats dénoncent une réforme qui fragilisera les salariés dans un contexte de crise économique.
La CGT demande depuis plusieurs années que l’AGS, uniquement pilotée par le patronat, devienne un organisme paritaire.
Ce n’est pas la philosophie de Bercy, qui s’attèle à démanteler toute forme de démocratie sociale, dans la droite ligne de l’étatisation rampante de la Sécurité sociale.