L’impasse des politiques de financement de la recherche

L’échec du vaccin de Sanofi est la conséquence du sous-investissement dont souffre la recherche depuis des années. La crise du coronavirus n’a entraîné aucun infléchissement de la politique. Pis, la Loi de programmation pour la recherche (LPR), adoptée en novembre 2020, vient aggraver les politiques qui ont conduit à la crise actuelle.

Depuis des années, la recherche souffre d’un sous-investissement de l’État

Malgré la crise du coronavirus et l’échec durant les essais cliniques du vaccin de Sanofi, le gouvernement continue sa casse de la recherche. La LPR, adoptée en novembre, pérennise les bricolages mille fois remâchés qui ont conduit la recherche française dans l’impasse : financement de la recherche par appel à projet, multiplication des contrats précaires, maintien du crédit impôt recherche, etc.

Loin de réarmer notre recherche et d’apporter les solutions novatrices aux problèmes endémiques qu’elle connaît, la LPR prolonge, poursuit, aggrave les politiques qui ont abouti à la situation de crise actuelle. La baisse des moyens et la modalité de financement par projet ont rendu la recherche exsangue.

De fait, ces moyens sont essentiellement basés sur des appels à projet, qui ont une durée de quelques années. Si bien que les chercheurs passent un quart de leur temps à faire de la recherche de budget et non de la recherche dans leur domaine. La mode de financement par projet a aussi pour conséquence d’orienter les fonds vers des marchés porteurs et rentables, au détriment de la recherche fondamentale.

Mais le manque de moyens alloués à la recherche concerne aussi bien la recherche fondamentale que la recherche appliquée, la recherche publique que privée.

Depuis 2009, Sanofi dégraisse aussi bien dans la production que la recherche, et ce malgré les crédits d’impôt recherche qu’il a engrangé (1,3 milliard d’euros sur dix ans, affectés sans contrepartie).

Le géant pharmaceutique n’est pas le seul grand groupe à supprimer des emplois dans la R&D (recherche et développement). Nokia compte supprimer jusqu’à 1 200 emplois, ces destructions d’emploi concernent notamment la R&D de la 5G, alors que cette technologie est considérée comme l’avenir dans la communication.

En 2020, le groupe Volvo a réduit de 35 % son budget de R&D en 2020. « C’est un vrai gâchis scientifique. Malgré les aides publiques et la montée en charge du CIR, on a un effort de recherche qui stagne à 2,2 % (0,8 % pour la recherche publique et 1,4 % pour le privé). La France reste une nation scientifique, mais perd du terrain », déplore Sylviane Lejeune, conseillère au Conseil économique, social et environnemental (Cese) pour la CGT et coanimatrice du collectif confédéral Recherche.

La France est loin derrière les objectifs fixés par l’Union européenne en 2000

La « stratégie de Lisbonne » prévoyait de porter, en dix ans, à 3 % du PIB les dépenses de recherche en Europe. En France, cet objectif n’a jamais été atteint. Pis, la LPR reporte une nouvelle fois celui-ci au-delà de 2030 : l’annonce budgétaire de 5 milliards d’euros sur dix ans faite par le ministère ne permettra même pas d’atteindre les 1 % du PIB pour la recherche publique.

Le Cese a refusé de valider dans son immense majorité le projet de LPR, considérant qu’« on ne soigne pas un système avec les outils qui l’ont rendu malade ».

Dans un avis rendu le 24 juin 2020, le Cese rappelle que la recherche française est réputée dans le monde entier : « Nos chercheurs et chercheuses se distinguent, à tel point que de grandes universités étrangères, des groupes internationaux et les Gafam les débauchent. »

Pour sortir de l’impasse, le Cese préconise l’affectation de moyens à hauteur de 6 milliards d’euros, pour atteindre l’objectif de 1 % de PIB de dépenses publiques par la mise en œuvre d’une politique qui permettra aux entreprises d’augmenter de 14 milliards d’euros supplémentaires leurs dépenses de recherche pour atteindre l’objectif de 2 % de PIB de dépenses privées. « Il faut aussi une maîtrise publique et sociale des enjeux de la recherche », rappelle Sylviane Lejeune.

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