La réindustrialisation du pays est une urgence
En cinquante ans, l’industrie a perdu plus de la moitié de ses effectifs, soit plus de 2 millions d’emplois. Cette décroissance des effectifs a touché en premier lieu les ouvriers. « En 2001, le PDG d’Alcatel déclarait que son groupe devait devenir une entreprise sans usine. Une vision partagée par les gouvernements successifs qui ont laissé faire et financé les restructurations et délocalisation », a déclaré Philippe Martinez.
La production de voiture en France a été divisée par deux en quinze ans. Désormais, les licenciements et les délocalisation touchent aussi le secteur de la recherche et développement (R & D). Ces derniers mois, des plans de licenciement et des délocalisations des services R & D de Sanofi, Renault et Alcatel ont été annoncées.
Cette situation place la France en situation de dépendance, notamment à l’égard de la Chine, comme le montre la pénurie de cartes à puce qui menace de mettre à l’arrêt toute la filière automobile en Europe.
Le Peugeot 3008 peine ainsi à sortir des usines de Sochaux. Ces derniers mois, les pénuries de médicament et de vaccins se sont multipliées. « En France, il existe des acteurs majeurs de l’industrie, pour impulser la réindustrialisation, mais il faut un état stratège qui détermine des objectif précis en matières économique et sociale, pour répondre aux besoins de la population. Il faut rompre avec la logique financière car encore aujourd’hui, le quoiqu’il coûte répond avant tout aux intérêts des actionnaires plutôt qu’à ceux du monde du travail et de la population.
Ainsi des dividendes ont encore été versés aux actionnaires en 2020 et les aides publiques versées pour traverser la crise sanitaire servent avant tout à financer des plans de restructuration », a rappelé Philippe Martinez.
Preuve avec Sanofi qui, après avoir annoncé la suppression de 1 500 emplois en Europe, propose un dividende en hausse, porté à 3,20 euros par action détenue (contre 3,15 euros pour l’exercice précédent). Ce qui représente un versement de plus de 4 milliards d’euros à ses actionnaires…
Le travail collectif des fédérations de l’industrie a permis de formuler des propositions concrètes, portées à plusieurs niveaux.
Notre organisation avance plusieurs propositions pour sortir de cette impasse à court termes :
- l’annulation de tous les plans de restructuration et PSE en cours ou à venir,
- la formation des travailleurs dans les secteurs menacés,
- la conditionnalité des aides publiques (nationales ou territoriales) afin qu’elles soient fléchés vers le développement de nouvelles filières,
- les relocalisations d’activités,
- le maintien et la création d’emploi.
À plus long terme, la CGT propose de :
- créer de nouvelles filières industrielles (sur l’imagerie médicale par exemple),
- responsabiliser les donneurs d’ordres vis-à-vis des sous-traitants afin de mutualiser les investissements sur l’ensemble des valeurs,
- favoriser les circuits courts avec un équilibre dans la répartition des charges de travail.
Cela pérenniserait le site SAM dans l’Aveyron alors que Renault préfère engager une fonderie en Turquie qui tourne déjà à 140 %. Il convient par ailleurs de créer un protectionnisme social et environnemental en imposant, par exemple, d’intégrer ces clauses dans les appels d’offres des marchés publics qui représentent 40 % des investissements dans notre pays. Une telle mesure pourrait d’ailleurs être élargie à l’échelle européenne.
L’enjeu est de favoriser l’indépendance nationale et une maitrise publique des moyens de production, en particulier pour l’industrie du médicament ou pour les télécommunications.
La crise sanitaire a révélé l’échec de la stratégie industrielle française tournée vers la seule rentabilité.
Mais le gouvernement Macron-Castex, malgré les beaux discours, ne change pas de cap. Il continue de laisser les multinationales dicter leur loi à l’image de Sanofi.
« Il n’est pas trop tard pour corriger cette stratégie suicidaire car la France a des atouts. Il existe des acteurs majeurs de l’industrie, des donneurs d’ordre, en France pour impulser une réindustrialisation dans de nombreux secteurs et le développement de nouvelles filières. Il faut également pour cela, un État stratège qui détermine des objectifs précis en matière économique et sociale et pour répondre aux besoins de la population. » a rappelé Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT lors d’une conférence de presse devant Bercy le 24 février.
Ces propositions seront portées au fil des mois, dans les territoires, à l’image de ce qui a été fait dimanche 21 février à Decazeville où 3 000 personnes se sont rassemblées pour exiger la pérennité de la fonderie SAM, de l’ensemble des emplois, mettant en évidence le rôle essentiel de l’industrie dans les territoires.