Monsieur le Ministre de l’éducation nationale,
Madame la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Vous devez agir pour faire cesser la transphobie et la transmisogynie à l’école et à l’université. Le suicide de Doona à Montpellier le 23 septembre et celui de Avril / Luna à Lille le 16 décembre hurlent à nos oreilles la faillite du combat contre les discriminations et les inégalités liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.
Malgré les efforts des personnels, l’école, comme toute institution, reste un lieu de reproduction des normes sociales oppressives. Ceux et celles qui ne rentrent pas dans ces normes se voient rappelé·e·s à l’ordre comme Avril / Luna a pu l’être.
Adresser des commentaires humiliants ou désobligeants fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de l’élève, rendre socialement invisible ou nier l’existence de certaines orientations sexuelles ou identités, imposer des normes (critiquer une fille parce qu’elle n’est pas « féminine » ou un garçon car il n’est pas « viril »), émettre des injonctions vestimentaires liées au sexe, tout cela a des conséquences dévastatrices sur les élèves, leur santé mentale et les met en danger.
L’article 225-1 du Code Pénal interdit de discriminer une personne en fonction de son sexe, de son identité de genre, de son apparence, de son appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. L’identité de genre est reconnue par la loi depuis 2012 comme un motif discriminatoire pouvant aboutir à des poursuites voire à une condamnation. Le Défenseur Des Droits recommande « aux chefs d’établissement scolaire et d’enseignement supérieur de permettre aux mineurs et jeunes transgenres de se faire appeler par le prénom choisi, d’employer les pronoms correspondants (féminins, masculins ou non-binaires) et de respecter les choix liés à l’habillement, et en prenant en considération leur identité de genre pour l’accès aux espaces non mixtes existants (toilettes, vestiaires, dortoirs). Le Défenseur des droits recommande aux ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche d’établir un guide de bonnes pratiques et des formations à destination des équipes éducatives et de mener des campagnes de prévention auprès des élèves et des étudiants pour favoriser l’inclusion des jeunes personnes transgenres. »
Pourtant, l’insuffisance d’actions de l’Institution pour être en accord avec la loi et avec ces préconisations mène aujourd’hui à des drames et à des violences que l’on ne peut pas taire.
Depuis quatre ans, les rapports de SOS Homophobie rapportent une hausse continue des témoignages d’agressions liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. 20% de hausse des cas signalés le sont en milieu scolaire. Les personnes trans sont confrontées à la transphobie des institutions, y compris scolaires, et cela a de graves conséquences sur leur santé mentale, les poussant parfois au suicide. De plus, les vies des personnes trans ne sont pas homogènes notamment lorsqu’elles se trouvent face à des discriminations croisées, intersectionnelles (racisme, handiphobie, sexisme, précarité…), la transphobie est alors un facteur parmi tant d’autres concourant aux souffrances des personnes concernées
Le temps des promesses et de la communication a assez duré. Les ministères de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche doivent agir. Des moyens matériels, de temps dédiés et des personnels formés sont nécessaires pour lutter contre la transphobie. Nous n’avons cessé de demander ces avancées ces dernières années. Vous, monsieur le Ministre et vous madame la Ministre devez nous écouter et des actions doivent être mises en place immédiatement pour faire cesser les discriminations transphobes et transmisogynes à l’école et à l’université.
Pour lutter contre la transphobie à l’école, du primaire à l’université et partout ailleurs, l’Inter-collectifs educ/LGBTQIA+ vous demande de prendre les mesures suivantes en urgence :
- Formation initiale et continue obligatoires de tous les personnels des établissements publics et privés sous contrat relevant des ministères de l’éducation nationale et du supérieur aux situations LGBTQIA+ dans leur diversité face au racisme, aux handiphobies, et au sexisme par exemple.
- Mise en place d’instructions claires dans les textes officiels comme dans les circulaires permettant à chacun.e d’utiliser son prénom d’usage choisi en toutes circonstances et à adopter les codes de genre qui lui conviennent le mieux.
- Mise en place effective et générale des cellules de veille dans les établissements d’enseignement supérieur, cellules qui doivent inclure le traitement des discriminations transphobes.
- Obligation de révision des règlements intérieurs des établissements en association avec les CVC et CVL afin d’en bannir toute mesure qui conduirait directement ou indirectement à discriminer en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre.
- Mise en place de documents aidant les personnels à prendre en charge les sujets liés aux transidentités.
- Création d’un observatoire national chargé de recenser actes, propos et violences LGBTQIA+phobes dans les établissements scolaires et universitaires.
- Ouverture large de tous les programmes et de tous les manuels scolaires à la diversité des représentations