Des soignants, testés positif à la Covid-19, mais asymptomatiques obligés de venir travailler par manque de personnel.
L’information a fait la une des journaux il y a quelques semaines. Mais la situation n’est pas nouvelle pour le personnel hospitalier. Depuis des années, ils souffrent d’un sous-effectif chronique engendrant une dégradation de leurs conditions de travail et de la prise en charge des patients.
Une intensification du travail
Les chiffres sont parlants. Tandis que l’activité des hôpitaux a progressé de 16 % entre 2009 et 2016, les effectifs n’ont pas suivis. Leur progression est passée sous la barre des 1 % ces dernières années. L’année 2017 a même enregistré un solde négatif ! C’est dans ce contexte d’intensification du travail qu’éclate la crise sanitaire. Depuis mars dernier, pour combler le manque de personnel, certains services ferment pour déplacer le personnel dans les unités qui en ont le plus besoin.
Recensement des besoins
Après la déception soulevée par le Ségur de la santé en juin dernier, la fédération de la santé a lancé un recensement précis des besoins en personnel dans les établissements de santé pour arracher des embauches et améliorer les conditions de travail.
A partir des questionnaires des 191 structures qui ont répondu à l’enquête, la fédération a calculé qu’il serait nécessaire d’embaucher 11,5 % d’effectifs supplémentaires. Cela représente 400 000 emplois pour l’ensemble des secteurs de la santé et de l’action sociale dont la moitié dans les Ehpad, un quart dans les hôpitaux et le reste dans les diverses structures médicosociales. Selon l’étude, les besoins se font particulièrement ressentir chez les infirmiers diplômés d’État et les aides-soignants, suivis de prêt par les médecins et les ASH (aide sociale à l’hébergement pour les personnes âgées).
Des postes vacants financés non pourvus
L’enquête souligne aussi qu’un tiers des postes manquants sont financés, mais non pourvus ! Si les difficultés à recruter sont réelles depuis plusieurs années, aucune initiative n’a permis de travailler sur l’attractivité du secteur.
Pire encore, outre l’absence de reconnaissance salariale, les méthodes de management et les réorganisations régulières des services détruisent les équipes et font fuir les personnels. À cela s’ajoute la faiblesse du budget de la formation. Ainsi, le syndicat CGT du centre hospitalier de Pontoise relève, que l’an dernier, les 25 demandes de formation pour passer le diplôme d’aide-soignant ont toutes été refusées !
Un outil revendicatif
L’objectif de la démarche est aussi d’en faire un outil revendicatif local pour appuyer le travail des syndicats. Par exemple, la CGT du centre hospitalier de Moulins a fait ses comptes.
En 2019, 41 043 jours ont été placés sur le compte épargne temps. Cela correspond à 181,28 équivalents temps plein. Le syndicat a aussi relevé les 21 229 heures supplémentaires du personnel paramédical. Elles représentent 8,78 temps-plein infirmiers, 3,26 aides-soignants et 1,32 secrétaire médical.
Chiffres à l’appui, pour faire pression sur la direction de l’hôpital qui se plaint de ne pas trouver de candidat, le syndicat a ouvert un bureau d’embauche le 21 janvier dernier.
À la suite de l’enquête, plusieurs syndicats de la santé, comme au centre hospitalier de Moulins, ont décidé d’organiser des bureaux d’embauche. Même si les recrutements ne sont pas gagnés, ces initiatives permettent d’échanger avec le personnel et l’ensemble des citoyens pour ouvrir des perspectives d’amélioration des conditions de travail pour les uns, d’amélioration de la prise en charge et d’emploi pour les autres.
Une démarche qui pourrait donner des idées à d’autres secteurs d’activité pour appuyer leur travail revendicatif et combattre le fatalisme provoqué par la crise économique et sociale.