Projet de nouvelle entité européenne appelé « Pluton », Sanofi ne détiendrait que 30 % des parts et d’ores et déjà des sites français seraient menacés
Au sortir du premier confinement, Emmanuel Macron avait annoncé le déblocage de 200 millions d’euros afin de relocaliser en France la production de médicaments. Quelques mois après ces déclarations d’intention, on constate que la restructuration du secteur est toujours en ordre de marche.
Dans son projet de nouvelle entité européenne appelé « Pluton », Sanofi ne détiendrait que 30 % des parts et d’ores et déjà des sites français seraient menacés dans un horizon très proche.
Notre organisation a été informée fin octobre que Sanofi cache une troisième phase au projet Pluton, le projet Alastor. « Le projet Alastor visera le carve-out des sites de chimie français hors IPO à l’horizon 2023 ou l’annonce de leur fermeture pour l’horizon 2024. Dans le contexte à venir de Pluton, le projet Alastor doit demeurer d’une extrême confidentialité », peut-on lire dans un « mémo confidentiel social » adressé au responsable des affaires industrielles et au président de Sanofi France.
Cela laisse peu de doute quant à sa volonté de se débarrasser à terme de la production de principes actifs hexagonaux jugés pas assez rentables pour un groupe qui a « bien encaissé » la première vague du Covid-19 avec une distribution de près de 4 milliards de dividendes à ses actionnaires.
Pour lutter contre ce plan de désindustrialisation, la CGT Sanofi a appelé à la grève le 19 janvier.
La CGT demande l’abandon du projet Pluton, suivi de la mise en œuvre d’un projet de relocalisation et réinternalisation de la production de principes actifs
Relocaliser est une urgence. D’année en année, la France est de plus en plus dépendante du reste du monde pour produire ses médicaments : 80 % des principes actifs – les composants essentiels du produit – sont fabriqués hors de l’Union européenne, dont 60 % en Chine et en Inde.
La pandémie a révélé les conséquences de ces délocalisations : des médicaments essentiels, notamment ceux utilisés pour la réanimation, ont été touchés par des pénuries. Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ces pénuries ont touché 2 400 médicaments en 2020 et concernent en majorité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). C’est six fois plus qu’en 2016.
Cette situation est la conséquence directe de la désindustrialisation et des délocalisations : en dix ans, près de 10 000 emplois ont été supprimés en France dans l’industrie pharmaceutique
Le site de Roussillon, en Isère, dernière usine européenne de fabrication d’acétaminophène (Apap), la matière active du paracétamol, a fermé en 2008. Le propriétaire Rhodia arguait ne plus pouvoir rivaliser avec ses concurrents chinois. Seqens, désormais propriétaire du site, s’est engagé à rapatrier sa production de principes actifs en France, avec l’aide de l’État.
« Alors que Rhodia a déjà ponctionné l’argent public, prétextant des difficultés financières à l’époque, pour délocaliser la production, les acteurs privés d’aujourd’hui, parmi lesquels Seqens, propriétaire actuel des installations en Isère, pourraient bien être tentés de réclamer à nouveau de l’argent public, cette fois-ci pour relocaliser ce qu’ils avaient délocalisé auparavant », alertait la Fnic (Fédération nationale des industries chimiques) en août.
L’indépendance thérapeutique ne devrait pas être ainsi livrée aux mains du privé. Depuis plusieurs années maintenant, la CGT revendique la création d’un pôle public du médicament.