À crise exceptionnelle, chiffres exceptionnels
Le projet de loi de finances est présenté cette semaine. Il entend poser les premiers jalons du plan de relance gouvernemental. Les chiffres-clés de la situation économique et budgétaire sont, sans surprise, très impressionnants et sont le résultat de la crise sanitaire (qui n’est toujours pas terminée) et de la crise économique (qui ne fait sans doute que commencer).
La récession de 10 % prévue pour 2020 est la plus importante en temps de paix depuis le XIXe siècle. Le déficit public devrait atteindre -10,2 % cette année (contre -7,2 % en 2009) et rester élevé, à -6,7 % en 2021. La dette publique (le cumul des déficits) grimperait à 117,5 % cette année.
La France continue pourtant à emprunter à taux négatifs (-0,54 % à court terme et -0,11 % à long terme). Cela veut dire concrètement que quand l’État s’endette, il gagne de l’argent ! La charge de la dette a même diminué en 2020, et c’est cela qui importe le plus en matière budgétaire (la France ne « rembourse » jamais sa dette, elle la fait rouler éternellement). On y reviendra, mais ce simple fait plaiderait pour une politique massive d’investissement public pour non seulement contrer les effets de la crise, mais aussi parce que l’emprunt public est désormais moins cher que gratuit !
Le gouvernement a choisi une autre voie, qualifiée de « suicidaire » par l’économiste, pourtant modéré, Xavier Timbeau.
Il reste que ces chiffres sont susceptibles de bouger, et que nous restons totalement dépendants de la situation sanitaire. En cas de reconfinement à l’hiver, il faudrait les réviser totalement, et la perspective d’une panique sur les titres de dette publique ne serait plus à écarter. La période est celle d’une totale incertitude, qui empêche de faire une quelconque prévision (ce qui risque en retour d’obérer massivement l’investissement des entreprises).
Les principales dépenses (et les faux semblants)
Or « plan de relance », les crédits aux ministères vont augmenter de 11,3 milliards d’une année à l’autre, notamment au bénéfice des ministères de la Justice et de l’Éducation nationale. Certes, des postes sont créés dans la Justice (1 500) et au ministère de l’Intérieur (1 369), entérinant le tournant sécuritaire du quinquennat.
Mais dans l’Éducation nationale, la hausse de 1,4 milliard correspond essentiellement à de très légères revalorisations salariales (400 millions) et 755 millions pour la revalorisation de l’ancienneté.
2 000 postes sont créés dans le premier degré… mais autant sont supprimés dans le second et dans le privé ! 3 000 équivalents temps pleins sont créés en… heures supplémentaires. Un scandale.
Au total, ce sont 157 postes qui sont supprimés dans la Fonction publique d’État.
Un budget vert ?
Selon les chiffres officiels, 38 milliards d’euros correspondent à des mesures « favorables » à l’environne- ment, et 10 milliards à des mesures « défavorables » (essentiellement des niches fiscales pour les secteurs polluants). Mais est-ce à dire que les 400 milliards d’euros restants de la dépense publique de 2021 sont « neutres » écologiquement ?
On a là davantage un outil de communication pour la ministre qu’un véritable instrument de mesure, sans parler d’un outil de transition ! Quel signal envoie-t-on quand 1 000 postes sont à nouveau supprimés au ministère de la Transition écologique et plus de 2000 au ministère de l’Économie ?
Que l’on délègue la transition aux entreprises, en espérant, comme après 2008, que le capital devienne miraculeusement « vertueux ». Le « plan de relance » est à l’image de ce constat ; sans ambition et sans moyens réels, il est voué à l’échec sur deux niveaux ; à court terme, car il n’est pas un plan de relance. Et à moyen terme, car il n’est pas non plus une politique industrielle.
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