Le dieu grec Kairos est représenté par un jeune homme qui ne porte qu’une touffe de cheveux sur la tête. Quand il passe à notre proximité, il y a trois possibilités : on ne le voit pas ; on le voit et on ne fait rien ; au moment où il passe, on tend la main, on « saisit l’occasion aux cheveux ». Tentons de considérer cette pandémie dévastatrice du Covid-19 comme un kairos : un moment opportun, pour appréhender autrement le réel et pour orienter différemment la réalité. Il nous faut saisir au vol l’occasion de changer l’ordre du monde et de le faire devenir plus juste.
Pour voir se réaliser cette aspiration à saisir le moment propice aux changements, à partir de nos expériences de la crise du Covid, nous sommes face à une évidence : il faut revaloriser les métiers exercés par les femmes et, dans le champ qui nous concerne, les métiers de l’éducation.
Dans une tribune publiée le 18 avril dans le journal Le Monde : « Il faut revaloriser les emplois et carrières à prédominance féminine », un groupe composé de chercheuses, économistes, sociologues, politologues… appelle le gouvernement à agir. Les métiers occupés majoritairement par les femmes, à valeur égale, sont moins bien rémunérés que ceux occupés majoritairement par des hommes.
Pourtant, l’article L3221-2 du code du travail stipule bien que : « Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».
La loi sur l’égalité professionnelle de 1983 définit la notion de valeur égale et précise que « sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ». Elle permet ainsi d’appliquer l’égalité salariale entre emplois différents mais considérés de même valeur.
C’est ce qu’il faut mettre en lumière dans les métiers très féminisés de l’éducation, la recherche et la culture, afin d’obtenir une revalorisation notamment salariale de ces emplois.
Pour l’émancipation des femmes : la revalorisation
Le gouvernement doit saisir l’opportunité de faire appliquer la loi et, comme le revendique la CGT, d’augmenter les salaires, de reconnaître la pénibilité et d’améliorer les conditions de travail.
Pour agir en amont, il doit émanciper les femmes de tâches qu’elles prennent en charge gratuitement au risque de cumuler plusieurs journées de travail en une seule.
C’est ce qu’a rendu public la crise du Covid, qui a exigé l’impossible de beaucoup d’entre elles : qu’elles assurent leur télétravail tout en s’occupant des travaux domestiques, de leurs enfants et de leurs proches.
Investir dans l’économie des soins et du lien est rentable
C’est ce que démontre l’étude menée par la Confédération Syndicale Internationale « Investir dans l’économie des soins – Une analyse par sexe d’une stimulation de l’emploi dans sept pays de l’OCDE Mars 2016 ».
Un investissement de 2 % du PIB dans l’économie des soins dans seulement sept pays permettrait de créer plus de 21 millions d’emplois et d’aider les pays à relever le double défi du vieillissement de la population et de la stagnation économique.
Ainsi la CGT s’empare-t-elle de ces éléments pour revendiquer qu’on « Investisse dans l’économie des soins et du lien, crée un grand service public d’accueil de la petite enfance et d’accompagnement de la perte d’autonomie », et s’appuiera sur les recherches d’un projet IRES mené par les économistes Rachel Silvera et Séverine Lemière qui démontrera la nécessité pour l’état de s’emparer de ce secteur avant que le marché privé ne le capte.