La question des outils numériques dans nos champs de l’Éducation, de la recherche, de la formation, du secteur associatif a toujours soulevé de nombreuses questions, interrogé sur les réels objectifs en particulier depuis l’accélération croissante des transformations. Mais ces questions ne représentaient pas une préoccupation essentielle des salarié·es et des citoyen·nes jusqu’à la crise sanitaire liée au Covid-19 plaçant le numérique au cœur des enjeux, des inquiétudes, des inégalités et rappelant toute l’importance des interactions en présentiel. Les possibilités ouvertes par le numérique sont immenses tant pour les enseignant·es, formateur·trices, chercheur·ses que pour les étudiant·es mais pas seulement, les questions et problématiques soulevées sont importantes : fracture numérique, télétravail, marchandisation des données, numérique et environnement …
Fracture numérique et limite du numérique dans nos champs de l’éducation, de la formation et de la recherche
La transformation numérique dans nos secteurs et dans le reste de la Fonction publique (disparition des guichets …) a créé une réelle fracture numérique auprès des usager·es. Elle recouvre plusieurs aspects. L’absence de matériel informatique dans le foyer est le plus courant avec au mieux pour certain·es un téléphone ce qui rend difficile les démarches administratives, la « continuité pédagogique », l’accès à la formation professionnelle. Du côté des étudiant·es, élèves, apprenti·es et stagiaires, l’accès aux équipements dépend essentiellement de choix politiques des régions, départements, communes, qui payent ou financent des équipements (tablettes, ordinateurs portables).
L’accès au réseau est le 2e aspect, en particulier dans les zones rurales, et parfois avec comme seule connexion internet le réseau mobile. Enfin en raison de l’insuffisance de formation et de véritable éducation au numérique, les inégalités apparaissent sur les capacités des utilisateur·trices à user des possibilités offertes, à maîtriser les fonctionnalités des équipements. Même la nouvelle génération née avec le numérique est en difficulté, beaucoup de jeunes limitant leur utilisation à la messagerie et aux réseaux sociaux.
Que proposer ?
- Une formation aux outils numériques : ouverture de fichiers, installation de logiciel, de modules complémentaires …
- Des accueils physiques et des guichets.
Télétravail et matériel informatique
Très encadré depuis ses premières mises en application pour des salarié·es souvent volontaires qui peuvent éviter des pertes de temps dans les transports notamment, le télétravail est devenu soudainement la norme sans règle, sans préparation, sans outil pour de nombreux salarié·es.
Le télétravail généralisé a été complètement improvisé dans nos ministères, sans cadrage, chacun·e se débrouillant comme il·elle le pouvait avec parfois ses propres outils. La plupart des outils institutionnels se sont retrouvés saturés et les personnels dans l’incapacité de communiquer par ces moyens avec leurs élèves. Les serveurs n’étaient visiblement pas prêts.
Les personnels, conscients de leur rôle dans cette crise et très investis, ont utilisé leur matériel personnel pour télétravailler et ont cherché des solutions alternatives pour communiquer.
De nombreuses familles ont dû jongler avec difficulté entre le télétravail, la classe des enfants à la maison et les tâches quotidiennes.
Les outils de visioconférence se sont aussi développés de façon exponentielle. Ils permettent d’éviter les contacts ou les temps de trajets très chronophages à condition de ne pas remettre en cause les temps d’échanges directs nécessaires dès que cela sera possible.
Ces nouvelles pratiques doivent être encadrées afin de garantir le droit à la déconnexion et préserver les temps personnels des salarié·es.
Que proposer ?
- Pas de télétravail sans volontariat, sans matériel fourni par l’employeur·se et sans définition précise du temps de travail.
- Services de visioconférence installés sur des serveurs académiques ou nationaux
Protection des données
Depuis que l’informatique s’est développée, les traitements de données à caractère personnel n’ont jamais été pris au sérieux. Pour quelques fichiers déclarés, une masse d’autres ne l’ont jamais été.
Tant que les systèmes d’information ont été conservés sur des serveurs internes (ministère ou collectivités territoriales) ou ont été éclatés entre différents acteur·trices qui ne recoupaient pas leurs données et qui n’avaient pas de position hégémonique, le danger était là mais absolument pas perçu.
Le ministère de l’Éducation nationale a abandonné des services clés et très gourmands en données, comme la gestion de la vie scolaire, la distribution des ressources pédagogiques, au marché et à des entreprises privées. L’avènement des services en ligne a montré tous les problèmes à laquelle cette politique inconsciente a conduit.
La crise actuelle n’a fait qu’accentuer la mise à disposition des données des utilisateur·trices. Peu formés et peu informés des lois sur le numérique et voulant bien faire la plupart des formateur·trices et enseignant·es se sont mis en difficulté notamment avec le RGPD au grand bénéfice de tous les « collecteurs de données » et se sont exposés personnellement en utilisant des solutions alternatives pour communiquer coûte que coûte : Whatsapp, Discord, mail et téléphone personnels des stagiaires et élèves, utilisation d’outils variés, … toutes ces solutions sans déclaration d’utilisation de données.
De plus, de nombreux sites ont proposé leurs services gratuitement pendant la crise mais à quel prix ? Une récolte massive des données des utilisateur·trices et des jeunes en particulier, souvent obligés d’accepter les conditions pour utiliser le service.
Cette crise montre les choix importants à opérer pour doter l’État d’outils propres, de serveurs performants répondant aux besoins quotidiens des personnels et des familles.
Que proposer ?
- La nationalisation des entreprises qui gèrent les données des établissements : aucun fichier de données ne doit être livré par un service public à un service marchand.
- S’il y a recours à des entreprises privées, les données doivent être sur des serveurs publics.
- Et surtout, demander un contrôle citoyen des données : structures paritaires (usager·es, puissance publique) ; structures d’audit réellement indépendantes, c’est-à-dire payées sur fonds publics.
Éthique et environnement
Pour les personnes ayant accès aux technologies numériques et sachant les utiliser, jamais l’accès à la culture, à la connaissance, aux sciences, aux œuvres n’a été aussi riche et varié.
Cependant les systèmes de recherche, les algorithmes des réseaux sociaux, les applications intégrées sélectionnent et standardisent l’accès à l’information dans une totale opacité et contrôle.
A l’inverse les logiciels libres s’appuient sur 4 libertés fondamentales : la liberté de l’utiliser, de l’étudier, de le copier et de redistribuer des versions modifiées. Leur utilisation garantit une transparence par rapport à leur fonctionnalité à l’inverse de Microsoft dont la solution office 365 aspire massivement les données.
Que proposer ?
- Privilégier dans la Fonction publique l’utilisation de système d’exploitation et de logiciels libres.
- De revenir dans l’Éducation nationale sur les accords avec Microsoft et de développer l’utilisation et la formation sur des logiciels libres.
Enfin, le passage au tout numérique, l’obsolescence programmée, le développement de système toujours plus gourmand en puissance posent aussi un problème environnemental. L’exploitation des ressources (terres rares pour les composants, énergies fossiles pour produire l’électricité alimentant les serveurs …) et des travailleur·ses (salaires très faibles, conditions de travail dégradées, guerres …) à travers le monde s’accentue. Les filières de recyclage des produits électroniques sont aussi défaillantes dans de nombreux pays « développés ».
De grandes quantités de déchets sont exportées illégalement vers des pays d’Afrique, d’Asie provoquant des pollutions, affectant la santé des populations.
Une prise de conscience de ces problématiques et une réflexion sont nécessaires sur ce sujet trop souvent éludé dans l’utilisation du numérique.
Que proposer ?
- Réparation des outils informatiques, fin de l’obsolescence programmée et sobriété des applications informatiques.
- Mise en place de filières de recyclage en France.