« Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) : nouveau revers du ministère. Le Comité technique ministériel se prononce contre la LPPR !
Après la séance du CNESER qui s’est tenue dans des conditions déplorables (séance nocturne 20 heures durant, refus de l’administration de le reporter, vote à 6h45 du matin), après le rejet par le Conseil supérieur de la Fonction publique d’État (CSFPE : contre : CGT, FO, FSU, pour : UNSA, abstention : CFDT), et après le vote de l’avis au Conseil économique et social environnemental (CESE : 92 votant·es, 81 pour l’avis et 11 abstentions) , très critique contre le projet de loi, après le boycott du premier CT-MESR, le Comité technique du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (CT-MESR) du 25 juin 2020 vote contre le projet de « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) : 7 contre (CGT, FSU, FO, SUD), 5 pour (SNPTES, UNSA) et 3 abstentions (CFDT).
Alors que des milliers de personnes de la communauté universitaire se sont à plusieurs reprises mobilisées depuis décembre 2019, et après les rassemblements du 12 juin à la Sorbonne, du 18 juin devant le CNESER, 200 personnes mobilisées pour le retrait du projet de loi LPPR étaient de nouveau rassemblées devant le ministère et des rassemblements se tenaient en région.
Outre la déclaration intersyndicale (CGT, FSU, FO, SUD de l’ESR), voir ci-dessous la déclaration liminaire de la FERC CGT, et les motions déposées par la FERC CGT.
Le CT-MESR a rejeté à l’unanimité l’article 19 du projet LPPR ratifiant l’ordonnance qui met en place les « établissements expérimentaux » dérogatoires.
Des vœux et motions ont été votés à l’unanimité des syndicats :
- (CGT, motion 2) : suppression des « chaires de chercheur·se juniors » (« tenure tracks ») (article 3 du projet LPPR).
- (FSU) : motion demandant une trajectoire budgétaire vers le 1 % du PIB pour la recherche publique soit 10 milliards € sur 10 ans et des postes de titulaires (5 000 / an pendant 10 ans dans toutes les catégories de personnel).
- (CGT et FSU) : saisine du CHS-CT sur les conséquences de la LPPR sur la santé et les conditions de travail des personnels.
Ont été largement approuvées les motions suivantes :
- (CGT, motion 1) : « Le CT-MESR dénonce l’urgence imposée par le ministère (…), qui ne se justifie en rien, qui a provoqué un calendrier intenable des instances, (et qui) empêche l’examen d’articles cruciaux pour l’avenir de l’ESR par les élu·es (…). Le CT-MESR dénonce cette manœuvre délibérée du gouvernement qui cherche à passer en force et atténue de fait le rôle de cette instance. »
- (CGT, motion 4) : suppression des « CDI de mission scientifique » s’arrêtant avec la « réalisation de la mission » (article 5 du projet LPPR)
La défiance et la mobilisation contre ce projet inique se poursuivent. Les syndicats CGT, FSU, FO, SUD de l’ESR, le comité « Facs et labos en lutte » et les organisations étudiantes Unef, l’Alternative et Solidaires Etudiant-e-s appellent d’ores et déjà à une nouvelle mobilisation lors du conseil des ministres le 8 juillet.
Nous nous félicitons du vote de l’avis CESE du 24 juin (92 votants, 81 Pour l’avis, 11 abstentions) : ce projet fait l’unanimité contre lui.
Nous rappelons que toutes les organisations syndicales ont demandé le report de l’examen de la LPPR à la rentrée. Nous dénonçons l’urgence qui a été imposée par le gouvernement et qui ne se justifie en rien, sinon à empêcher les collègues de se réunir et de débattre de la LPPR. Nous dénonçons aussi les conditions déplorables de l’examen du texte et de vote au CNESER, fini à 6h45 du matin après 20 heures de session.
Pour la CGT, mais aussi pour la masse de la communauté scientifique, le projet de LPPR doit être purement et simplement retiré. En effet :
- la LPPR est insuffisante en termes budgétaires : elle ne répond pas à l’urgence de financement de l’ESR, (pertes de 250M€ pour les CROUS, rentrée problématique avec le Covid, manque de postes, manque de matériel et fluides dans les labos réquisitionnés pour les hôpitaux…) et manque d’ambition à moyen terme, d’autant que ce gouvernement prend des engagements pour l’essentiel pour les gouvernements suivants…
- La LPPR vise à développer considérablement les budgets de l’ANR et la politique d’appels à projet, au lieu de financer les universités et laboratoires de façon récurrente. Cela nuit à la recherche de long cours et accroît la précarité des personnels.
- Quoi qu’en dise le gouvernement, la LPPR vise à accroître la précarité de tous les personnels, et en particulier à supprimer le statut de fonctionnaire pour les jeunes chercheuses et chercheurs (Maître·sse de Conférence (MCF) et de Chargé·e de Recherche (CR), 1ers corps de chercheur·ses fonctionnaires dans le déroulement normal de la carrière).
- création de « chaires de chercheur·ses juniors » (« tenure tracks »), CDD de 3 à 6 ans assortis de moyens individuels considérables (100.000 €) avec possibilité de « titularisation » en tant que Professeur·e d’Université (PU) ou Directeur·trice de Recherche (DR), limitées à 25 % (!) des postes de PU ou DR, et contournant toutes les instances de recrutement normales.
- Commentaire : ce précariat de luxe va vider les recrutements de MCF et CR. Ceux-ci sont déjà largement insuffisants. L’affichage de « maintien » du niveau recrutement actuel des MCF et CR affiché dans le rapport annexe est loin de nous rassurer.
- nouveaux CDD dits de « post-docs » durant jusqu’à 3 ans, renouvelables 1 fois. Les post-docs pourront exercer des responsabilités scientifiques réservées aux titulaires.
- Commentaire : c’est l’affirmation par le ministère que la « normalité » selon lui, c’est 3 à 6 ans de précarité après la thèse.
- création d’un « CDI de mission scientifique », s’arrêtant avec la « mission », le motif de fin de la mission pouvant être aussi flou que « thématique de recherche abandonnée ».
- Commentaire : dans la droite ligne de la loi « Fonction publique » d’août 2019 visant à détruire le principe « tout emploi pérenne doit être occupé par un fonctionnaire », ce CDI de mission a pour but d’asseoir de manière pérenne les recrutements sur ressources propres via les appels à projets. Cette mesure entérine le passage de recrutement sur statut de fonctionnaire à un recrutement précaire à vie dans la recherche pour tous les corps, BIATSS et IT compris.
- création de CDD dans le privé (contrats doctoraux ou post-doctoraux) ;
- Commentaire : l’élargissement des durées de contrat à 5 ans d’emblée pour les doctorant·es et à 4 ans pour les post-doctorant·es, avec la possibilité de transformer en CDD de mission le contrat post-doctoral, s’intègre dans la politique de mitage de l’emploi permanent en CDI dans le privé.
- création de « chaires de chercheur·ses juniors » (« tenure tracks »), CDD de 3 à 6 ans assortis de moyens individuels considérables (100.000 €) avec possibilité de « titularisation » en tant que Professeur·e d’Université (PU) ou Directeur·trice de Recherche (DR), limitées à 25 % (!) des postes de PU ou DR, et contournant toutes les instances de recrutement normales.
- La LPPR accroît les prérogatives de contrôle du HCERES, en particulier sur les organismes de recherche, au détriment des instances nationales en partie élues telles le CoNRS.
- La LPPR institue des dispositions dérogatoires qui vont créer des conflits d’intérêts :
- la possibilité de percevoir un complément de rémunération d’un employeur·se de droit privé pour un fonctionnaire mis à disposition contrevient au statut de la façon la plus claire. L’interdiction actuelle de cette pratique a pour objet d’éviter les conflits d’intérêts. La loi déontologie a renforcé les dispositions visant à les clarifier et les éviter. Cette demande de dérogation est particulièrement régressive.
- Idem avec la possibilité pour un fonctionnaire de diriger une entreprise privée faisant de la valorisation de la recherche.
- La LPPR repousse l’âge de départ à la retraite pour certains chercheurs·ses réputés « excellents » ou « porteurs » de projet. La CGT s’oppose à la retraite à 72 ans.
- La LPPR ratifie les ordonnances qui créent des établissements dérogatoires « expérimentaux » et qui permettent aux directions d’établissements d’ignorer la plupart des règles nationales en matière de structures d’établissement.
- La LPPR prévoit de légiférer par ordonnances sur divers sujets (propriété intellectuelle, enseignement privé…). Rien ne justifie d’utiliser cette procédure d’urgence, ces sujets méritent un examen par le Parlement et la consultation régulière des instances.
- La LPPR conforte et accroît les pouvoirs des président·es d’établissement en matière d’attribution des primes et des dispositifs d’intéressement.
- Commentaire : l’individualisation de la rémunération continue et le caractère discrétionnaire de l’attribution des primes se poursuit. « L’intéressement » est contraire à la notion de service public. La CGT revendique la hausse du point d’indice et la revalorisation des grilles.
Cette politique désespère la jeunesse, et en particulier les jeunes chercheur·ses, contraints à la précarité. Cette politique épuise les fonctionnaires, perdant leur temps à chercher des budgets et passant une grande énergie à former des collègues qui subissent le turn over. Cette politique va retarder encore les recrutements sur postes de fonctionnaires et vider l’échelon MCF – CR. Il y a déjà plus de 35 % de contractuel·les dans l’ESR ! Il faut créer massivement des postes de fonctionnaires à tous les niveaux pour répondre aux immenses besoins de service public de l’ESR, résorber la précarité et donner un avenir aux jeunes. Il faut en particulier un recrutement des personnels dans des corps selon leurs niveaux de qualification, ce qui signifie en particulier le recrutement au plus près de la thèse en CR ou MCF.
Nous rappelons que la communauté universitaire et de recherche est largement opposée à la LPPR, et qu’elle s’est fortement mobilisée jusqu’en mars. Malgré les conditions actuelles difficiles, elle s’est à nouveau mobilisée avec les rassemblements des 12 juin et 18 juin, et pendant la manifestation du 16 juin avec les personnels soignants, et enfin manifeste ce jour même devant ce Ministère comme vous l’avez constaté.
Avec les organisations syndicales FSU, FO, SUD de l’ESR et étudiantes UNEF, L’alternative et Solidaires Etudiant-e-s, et la coordination des « Facs et labos en lutte », nous exigeons donc « le retrait de la LPPR et un plan massif de recrutements et de financements pérennes ». « Nous continuerons autant que nécessaire à nous rassembler et manifester pour que le gouvernement retire ce projet qui va totalement à l’encontre des nécessités que la crise sanitaire a largement révélées, à savoir des recherches bénéficiant de financement d’État pérennes, sur le long terme, et menées avec des personnels titulaires et correctement rémunérés. »
Motions et vœux du CT-MESR proposés par la FERC CGT
Motion FERC CGT 1 : adoptée par le CT-MESR
Les élu·es du CT-MESR ont découvert avec stupéfaction que les principaux articles de la LPPR qui vont modifier en profondeur l’organisation du travail des personnels de l’ESR (« tenure tracks », CDI de mission scientifiques, etc.) ne seront pas examinés par le CT-MESR, au motif qu’ils ont été vus préalablement au CSFPE.
Le CT-MESR dénonce l’urgence imposée par le ministère dans l’examen de ce projet de loi, qui ne se justifie en rien, et qui a provoqué un calendrier intenable des instances. Le ministère a décidé de maintenir la date du CSFPE alors que le CT-MESR, boycotté, ne s’était pas tenu. En faisant cela, le ministère empêche l’examen d’articles cruciaux pour l’avenir de l’ESR par les élu·es du CT-MESR. Le CT-MESR dénonce cette manœuvre délibérée du gouvernement qui cherche à passer en force et atténue de fait le rôle de cette instance.
Votes : Pour : 7 (CGT, FSU, FO, SUD), Abstention : 8 (SNPTES, CFDT, UNSA)
(Note : pour les motions suivantes votées en toute fin de séance, FO, 1 voix, était absent.)
Motion FERC CGT 2 : adoptée à l’unanimité par le CT-MESR
Le CT-MESR demande la suppression de l’article 3 du projet LPPR instituant des contrats précaires dans le publics dits « chaires de chercheur·ses juniors » (« tenure tracks »).
Votes : POUR : Unanimité (14).
Motion FERC CGT 3 : adoptée par le CT-MESR
Le CT-MESR demande la suppression de l’article 4 du projet LPPR généralisant des contrats précaires dans le public (« post-docs ») et des CDD de 4 ou 5 ans dans le privé, contribuant à la politique de mitage de l’emploi permanent en CDI dans le privé.
Votes : Pour : 4 (CGT, SUD), Abstention : (10) FSU, CFDT, UNSA, SNPTES.
Motion FERC CGT 4 : adoptée par le CT-MESR
Le CT-MESR demande la suppression de l’article 5 du projet LPPR instituant des contrats précaires dans le public (« CDI de mission scientifique » s’arrêtant avec la « réalisation de la mission »).
Votes : POUR : 9 (CGT, CFDT, FSU, SUD), Abstention : 5 (SNPTES, UNSA).
Motion FERC CGT 5 : adoptée par le CT-MESR
Le CT-MESR demande la suppression de l’article 8 du projet LPPR permettant de prolonger l’activité au-delà de la limite d’âge pour certains chercheur·ses.
Votes : POUR : 13 (SNPTES, CGT, FSU, CFDT, SUD), Abstention : 1 (UNSA).
Motion FERC CGT 6 : adoptée par le CT-MESR
Le CT-MESR demande la suppression de l’article 9 du projet LPPR élargissant les prérogatives du HCERES.
Votes : POUR : 4 (CGT, Sud), Abstentions : 10 (SNPTES, CFDT, FSU, UNSA)
Motion demandant la saisine du CHSCT ministériel : adoptée à l’unanimité par le CT-MESR
La FERC CGT avait préparé un vœu demandant la saisie du CHSCT ministériel sur les conséquences de la LPPR sur la santé et les conditions de travail de la LPPR. Elle l’a retiré au bénéfice du vœu FSU similaire, qu’elle a voté.