La chancelière Merkel et le président Macron ont annoncé ce lundi 18 mai un projet de plan de relance européen à hauteur de 500 milliards d’euros.
Avant même d’entrer dans les détails, soulignons tout de suite que 500 milliards c’est à peine 3% du PIB européen soit bien trop peu compte tenu de l’ampleur de crise actuelle dont on ne cesse de rappeler le caractère inédit. Pour mémoire, le Parlement Européen, qui n’est pas connu pour être un grand partisan des dépenses publiques, souhaitait un plan de 2 000 milliards d’euros.
Par ailleurs, à ce stade, il ne s’agit que d’un projet, qui devra être discuté et adopté à l’échelle européenne. Cependant, étant donné l’influence des initiateurs de ce projet, il convient de s’y pencher dès à présent.
Un embryon de mutualisation des dettes….
Comme de nombreux pays du Sud de l’Europe le préconisent depuis le début de la crise sanitaire et économique, ce projet est un premier pas vers la mutualisation des dettes.
En effet, ces 500 milliards d’euros seraient empruntés, sur les marchés financiers, directement par la Commission Européenne, c’est-à-dire avec la garantie de tous les pays européens.
Cette garantie permettrait un taux d’intérêt très faible, ce qui profitera aux pays aux taux d’intérêts les plus élevés comme l’Italie et l’Espagne.
Ces 500 milliards d’euros seraient fléchés en priorité vers les régions et les secteurs les plus touchés par le coronavirus.
Cependant des doutes subsistent sur la répartition de cette somme mais également sur la répartition des remboursements de ces dettes. Si les pays les plus touchés remboursent moins que ce qu’ils ont reçu, il s’agira de subventions pour les pays les plus touchés et donc d’un mécanisme de transfert, mais rien n’est moins sûr.
Le président français a ainsi indiqué que « les pays bénéficiaires du plan de relance n’auront pas à rembourser les aides ». Au contraire, la chancelière allemande a répété à maintes reprises qu’il faudrait rembourser ces sommes, mais comment et par qui, cela reste flou.
… sous conditions de « réformes »
Le problème majeur de ce plan est qu’il pose une nouvelle fois des conditions que voici : « un engagement clair par les États membres d’appliquer des politiques économiques saines et un programme de réformes ambitieux ».
« Politiques économiques saines » et « programme de réforme ambitieux », voilà le vocabulaire bien feutré pour parler de réformes structurelles néo-libérales, de destruction des services publics, qui ont déjà fait preuve de leur dangerosité avec la Grèce notamment. Aucune leçon de ce désastre économique mais surtout social n’a été tiré.
Un projet loin d’être adopté
Comme on l’a vu, ce projet n’est pas révolutionnaire, pour autant la seule avancée qu’il pourrait introduire, c’est-à-dire la première pierre d’une mutualisation des dettes, risque d’être un obstacle pour de nombreux pays d’Europe du nord. Le chancelier autrichien a d’ailleurs déjà signifié ses réserves, et celles de ses alliés comme les Pays-Bas, la Suède et le Danemark, sur le projet franco-allemand.
La concession faite par l’Allemagne sur la possibilité de contracter une dette à l’échelle européenne est une preuve de la fragilité actuelle de l’économie européenne. C’est également le résultat de la pression populaire, politique et scientifique pour des mécanismes de solidarité à l’échelle européenne.
Cependant, cette maigre concession n’est pas à la hauteur des enjeux et ne doit être qu’une étape vers des solutions bien plus solidaires et efficaces sur le plan économique comme l’annulation des dettes publiques détenues par la Banque Centrale Européenne, la dette perpétuelle ou encore la monétisation de la dette publique.
Pour aller plus loin sur la politique budgétaire et monétaire : Voir Note éco 154 à paraitre très prochainement : « Dette, Monnaie, Crise. 10 points pour comprendre le débat économique pendant la crise du Covid-19 »