La conférence était convoquée le jeudi après-midi par tous les syndicats de l’Inspection du travail, en ligne évidemment, confinement oblige… Chacun leur tour, les représentants des différentes organisations syndicales ont pointé un fait : le ministère du Travail organise la sape du travail de ses inspecteurs.
Des pressions sur les agents
La CGT, la FSU, la CNT, Sud, pointent du doigt le ministère du Travail qui a enjoint la Direction générale du travail (DGT) à faire entrave aux missions des inspecteurs, pire à faire « comme si l’Inspection du travail entière était débranchée, voire détournée à d’autres fins que celle de protéger les travailleurs » selon les mots de Julien Boeldieu, secrétaire général de la CGT du ministère du Travail.
Dans la Marne, un agent a été informé de sa future mise à pied par texto, parce qu’il a entamé une action à l’encontre d’une entreprise contre l’avis de la hiérarchie. « Lors de l’entretien, il lui a été demandé de cesser ses démarches », ailleurs, c’est un employeur qui « demande des nouvelles de la procédure disciplinaire lancée contre un agent. C’est inédit ! » tonne Gille Courc de la CNT Travail et Affaires sociales.
Sans compter que les moyens professionnels sont aussi touchés : la messagerie filtre les mails envoyés qui contiennent certains mots citant la convention de l’OIT. Après différentes remontées de pertes de courriers, les responsables syndicaux ont dû tester par eux-mêmes l’envoi et la réception de mails avec les mots qu’ils pensaient filtrés pour vérifier que c’était bien le cas…
La convention 81 de l’OIT violée par la France
La première préoccupation du ministère du Travail semble donc être celle de la reprise de l’activité économique plutôt que la sécurité des salariés présents dans les entreprises, en pleine crise du coronavirus. Notamment par le fait que les inspecteurs sont fliqués !
La DGT leur impose de demander l’aval de leur hiérarchie avant tout contrôle et un droit de veto a été instauré. « Le ministère peut interdire aux agents de faire des contrôles, or la Convention 81 de l’OIT garantit la liberté des agents », s’indigne J. Boeldieu. Les modalités d’intervention sont limitées, les hiérarchies demandant expressément à ne pas lancer de procédures.
L’intersyndicale a déjà déposé plainte
Une plainte a d’ailleurs été transmise au directeur général de l’Organisation internationale du Travail et au conseil d’administration du Bureau international du travail (BIT).
Les syndicats ont donc tous cosigné une lettre qui relève tous les problèmes soulevés par les notes que la DGT a transmises depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Ils pointent notamment que les nouvelles directives éclipsent « la mission essentielle, primordiale et fondamentale » de protéger les salariés. Et sa volonté de prioriser d’autres missions « au détriment de la mission de protection des travailleurs, est contraire aux dispositions susvisées et est par conséquent illégale. »
Les syndicats reviennent aussi sur les restrictions illégales contre les latitudes des inspecteurs que la convention de l’OIT leur assure pourtant et sur leurs moyens dans l’exercice de leurs missions.
Aucun moyen pour l’Inspection du Travail
Quant à aux moyens de protection, des masques, pour ceux-là mêmes qui doivent contrôler leur disponibilité pour les salariés, les syndicalistes s’esclaffent : « L’inspection du travail est démunie pour aller inspecter les entreprises. Il n’y a pas de masques disponibles à l’Inspection du travail. Pas dans toutes les régions, et certains sont même périmés ».
« C’est un problème de crédibilité que de contrôler sans masque et d’expliquer ensuite à un employeur de protéger et faire protéger ses salariés. » se désole Yann Dufour, de la CGT. Un problème qui s’additionne à la demande d’autorisation du contrôle pour avoir accès à d’éventuels masques. Et qui vient contraindre encore davantage le travail des agents.
Les inspecteurs transformés en « relais des consignes du gouvernement »
Les Direccte écrivent aux agents de contrôle que leur mission c’est d’« aider les entreprises et les accompagner dans leur reprise d’activité. »
Cités dans le texte par les intervenants, des fiches pratiques — éditées par le ministère — qui enrôlent les inspecteurs comme des aides des employeurs, au service des entreprises davantage là « pour donner des informations utiles à la bonne marche de l’économie », selon Julien Boeldieu.
Mais ces fiches « n’ont aucune valeur normative. On ne remplace pas le Code civil ou pénal par un guide diffusé par le ministère de la Justice ! » pour Camille Planchenault de Sud Travail qui précise que ces fiches prennent de sérieuses libertés avec le droit du travail.