Une politique publique qui prétend faire de la santé au travail une priorité ne peut évidemment pas « en même temps » préserver en priorité les intérêts économiques des grandes entreprises !
Se promener sur la plage est interdit, mais aller au travail pour produire des choses plus ou moins futiles ne pose pas de problème !
En accord avec les Principes Généraux de Prévention et leur déclination au cas des agents biologiques pathogènes contenus dans le Code du Travail, la suppression du risque d’exposition au COVID19 passe par la fermeture des entreprises dont l’activité n’est pas immédiatement indispensable à la vie de la population en situation de crise sanitaire.
C’est aussi la mesure la plus cohérente avec les dérogations à l’interdiction de déplacements prévues par le décret du 23 mars 2020 centrées sur la satisfaction des besoins essentiels (notamment les « achats de première nécessité », etc.). L’État devra financer le dispositif d’activité partielle en rétablissant l’ISF, en augmentant l’impôt sur les ménages les plus riches, et en mettant à contribution les assurances privées, comme c’est le cas pour une catastrophe naturelle.
Nous revendiquons que la liste des secteurs essentiels à la vie de la population en situation de crise sanitaire soit réexaminée et réduite sans délai, après consultation des organisations de travailleurs et travailleuses.
En cohérence, nous revendiquons dès à présent et pour le contrôle d’effectivité de la liste restreinte, la création d’une sanction pénale substantielle pour les personnes morales qui refuseraient de cesser leur activité. C’est une évidence, cette sanction ne peut être moins sévère que celle prévue en cas de non-respect par les particuliers des mesures de confinement : l’infraction est aujourd’hui théoriquement sanctionnée de l’amende résiduelle d’un montant maximum de 38 euros prévue pour les contraventions de police de la première classe (article R. 610-5 du Code Pénal) !
Nous revendiquons que les inspecteurs et inspectrices du Travail puissent relever l’infraction par voie de procès verbal et que cette sanction soit contraventionnalisée afin de produire un effet immédiat.
COVID-19 ou le bon moyen de mettre au placard les agent·es de contrôle
Cette situation d’incurie généralisée, à laquelle notre Ministère contribue dans sa communication publique, porte atteinte à l’exercice de nos missions fondamentales, visées à l’article L. 8112-1 du Code du Travail, qui prévoit que les inspecteurs et inspectrices du Travail sont « chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail. ».
Mis en situation de télétravail généralisée, avec un accès plus qu’aléatoire au réseau interne du Ministère et à la messagerie à distance, les agent·es sont par ailleurs sommé·es par la Direction Générale du Travail de ne pas intervenir sur le terrain sauf en cas de danger grave et imminent avéré et d’accident du travail grave ou mortel, mais sans qu’aucun équipement de protection individuel ne leur soit fourni à ce jour !
A la lecture des instructions de la hiérarchie relatives à l’organisation de la continuité des services et aux modalités d’intervention, nous constatons l’absence de toute action collective nationale du services de l’Inspection du travail pour contrôler si dans les entreprises qui poursuivent leur activité, les mesures de prévention préconisées sont effectivement mise en place et dans la négative procéder à un arrêt d’activité comme cela est fait en Belgique.
Par ailleurs, les pressions de la hiérarchie sur les agent·es n’ont jamais été aussi fortes. Ainsi dès qu’un·e agent·e intervient, à distance donc, auprès d’un employeur pour lui signifier que si les mesures de prévention sanitaire ne peuvent être respectées dans son entreprise, il convient alors de cesser son activité notamment par la mise en activité partielle, cet·te agent·e est systématiquement rappelé·e à l’ordre.
Nous soutenons tou·tes les agent·es qui ont pris de telles initiatives dans le but de préserver la santé des salarié·es et de leurs proches.
Tout cela est stupéfiant : ainsi, la Ministre du travail n’aura rien engagé pour protéger la santé des salarié·es qui continuent à travailler alors même que la crise sanitaire que nous traversons est sans précédent et que les risques sont avérés sur le lieu de travail !
Les salarié·es vont-ils/elles comprendre que, pendant qu’ils/elles vont au travail alors que le mot d’ordre est « confinez-vous », l’Inspection du Travail est elle-même restée confinée ?
Il ne s’agit pas pour nous de contester le fait que nos services sont forcément « en mode dégradé » dans cette période particulière, mais de préserver l’essence de nos missions et une capacité minimale d’intervention, ce qui aujourd’hui nous est refusé.
Une « grande armée de l’agriculture » ou une « grande armée de sacrifié·es » ?
Alors qu’une campagne de recrutement a été lancée avec tambours et trompettes par le gouvernement en vue de créer une « grande armée de l’agriculture », qui va aller contrôler les conditions d’hébergement (collectif, le plus souvent) et de travail de ces travailleurs et travailleuses précaires ? L’Inspection du Travail est, à ce jour, la seule « force d’interposition » disponible entre les employeur·es et les salarié·es, agissant pour le maintien de l’ordre public social.
Que dire des consignes données au conseiller·es de Pôle emploi, de « rassurer les publics sur les conditions de sécurité au sein des entreprises concernées » sans pouvoir s’assurer de la réalité des conditions de travail des postes proposés ?
Les professionnel·les du social contraint·es d’avoir recours au « système D » pour limiter l’exposition et la propagation du virus
Les personnels, soignant·es ou non, des maisons de retraite, des crèches (mises à contribution pour garder les enfants des personnels soignants), des services à la personne n’ont souvent pas de moyens de protection efficaces alors même que dans leurs professions, les règles de distanciation sociale sont en pratique inapplicables (on ne change pas la couche de bébé à 1 mètre de distance !). Certaines structures médico-sociales ont dû faire appel à des dons de masques.
Depuis l’annonce présidentielle d’entrée dans la « guerre sanitaire », le gouvernement a fait montre de son incapacité à faire face à la situation : alors que des entreprises non essentielles disposaient de masques en quantité, ces masques n’ont même pas été réquisitionnés en dépit du décret le prévoyant !
Solidaires de l’ensemble de ces travailleurs et travailleuses, nous exigeons :
- 1. A l’instar des syndicats des agent·es de Pôle Emploi, que les employeur·es du secteur agricoles indiquent dans leurs annonces d’emploi, de façon très détaillée les règles de sécurité sanitaire prévues pour leurs salarié·es (vestiaires, conditions de nettoyage des équipements et personnels, organisation du travail repensée avec des équipements de protection adaptés au risque biologique, distance minimale constante d’1 m entre les postes de travail, organisation du transport des salarié·es sur les parcelles,…), et qu’à défaut de ces précisions minimales Pôle Emploi précise aux privé·es d’emploi que les conditions de travail au regard du risque d’exposition au COVID19 n’étant pas connues, ils peuvent légitimement refuser d’accepter ces emplois ;
- 2. Que l’ensemble du personnel des structures sociales et médico-sociales soit inscrit dans la liste des personnels prioritaires pour l’attribution des masques et soit effectivement équipé d’équipements de protection individuelle suffisants.
- 3. Que les personnels soignants tout comme l’ensemble des salarié·es qui ont contracté la maladie pour défaut de mesures de prévention sur leurs lieux de travail doivent pouvoir faire reconnaître « systématiquement et automatiquement » le caractère professionnel de leur pathologie.
Enfin, nous exigeons de disposer de moyens de protection individuelle et d’un nouvel outil juridique nous permettant d’arrêter temporairement une activité pour cause d’absence de mesures de prévention face au COVID-19.
CGT Inspection du Travail de Loire Atlantique