Incapables de justifier leur réforme et de convaincre par le débat, le gouvernement, accompagné par les think-tank libéraux comme l’Institut Montaigne, cherchent à imposer leur réforme par le catastrophisme.
En installant la conférence de financement, Édouard Philippe avait laissé croire que d’autres solutions qu’une « mesure d’âge » pourraient être envisagées pour équilibrer le système de retraites d’ici 2027. Dans les conditions qu’il avait fixées préalablement à tout débat, cela paraissait cependant compliqué et il a confirmé à l’Assemblée Nationale ce 3 mars que ne pas recourir à une mesure d’âge lui paraissait « difficile, voire probablement impossible ».
L’institut Montaigne veut prêter main forte au gouvernement en appuyant le fait qu’une mesure d’âge serait « inévitable ».
Ce fatalisme n’a pas lieu d’être et est créé de toutes pièces dans le rapport de l’Institut Montaigne. Tout d’abord, ils considèrent que le déficit prévu retenu par le gouvernement (12 milliards en 2027) est sous-estimé car les hypothèses économiques du Conseil d’Orientation des Retraites seraient trop optimistes. Au contraire, comme l’a rappelé l’économiste Michael Zemmour, présent à l’initiative de la CGT, à la conférence de financement, ce chiffre de 12 milliards est basé sur des conventions comptables contestables et est le résultat de choix politiques visant à assécher les caisses de retraites pour justifier la réforme.
Ainsi, il y a déjà un fort désaccord sur le constat quant au déficit prévu, mais les désaccords se creusent face aux solutions.
Il est reconnu par tous que 3 leviers existent pour équilibrer un système de retraites :
- – Baisser les pensions
- – Augmenter les cotisations
- – Reculer l’âge de départ en retraite
S’il y consensus pour écarter la première option, le débat subsiste pour le reste.
Pour atteindre 12 milliards de cotisations, il suffirait d’un point de cotisation supplémentaire. Puisque l’Institut Montaigne considère que le déficit sera plutôt de 15-20 milliards, l’augmentation devrait être de 1,5 point de cotisation, rien de dramatique non plus. Pourtant selon eux, cela serait très nocif pour l’économie puisque c’est une augmentation du « coût du travail ». L’impact serait alors de … 0,1 point de PIB.
Ce chiffre, déjà faible, est toutefois contestable. La pseudo-étude de l’Institut Montaigne se base sur les « innombrables études économétriques disponibles sur le sujet », ces études soient tellement nombreuses que les auteurs du rapport n’ont pas pris le soin d’en citer une seule. En revanche on peut citer les deux études faites pour France Stratégie qui démontrent que la baisse de 6 point de cotisations patronales dans le cadre du CICE a eu un effet nul sur l’emploi.
On voit donc qu’il existe bien une solution pour ne pas avoir à recourir au recul de l’âge mais qu’elle est écartée pour des considérations néo-libérales, infondées sur le plan économique.
De plus, rappelons que lors de la conférence de financement, la CGT a proposé des mesures apportant plusieurs dizaines de milliards d’euros de cotisations sans même toucher au taux de cotisations retraites. En effet, augmenter la masse salariale et donc l’assiette de cotisations via l’égalité salariale femme/homme et une augmentation générale des salaires rapporterait bien plus encore que le déficit prévu. Se battre contre le chômage et non contre les chômeurs comme l’a fait le gouvernement permettrait également de rapporter des milliards d’euros de cotisations tout en économisant des milliards d’euros d’assurance chômage.
Cette analyse n’est autre que celle d’un institut caractérisé par son libéralisme exacerbé ; l’allongement de la durée de travail est ainsi dans son ADN. Pour ce qui est de livrer nos retraites aux marchés financiers, notons que le président de l’Institut Montaigne est tout simplement l’ancien PDG d’AXA.