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Le coronavirus a aussi du bon. En mettant sous tension le système éducatif, l’épidémie de coronavirus met en évidence ses failles. Plus qu’elle ne les découvre , elle les révèle au grand jour. Qu’il s’agisse des problèmes d’hygiène dans les écoles, de la communication avec les parents ou du style de commandement, pas sur qu’une pandémie suffise à les régler. Mais au moins ce sera plus difficile de continuer à les ignorer.
Quelle place pour le corps à l’Ecole ?
Alors que l’épidémie de coronavirus s’accélère et que l’institution scolaire est obligée de réagir, des failles anciennes du système éducatif deviennent tout d’un coup intolérable.
La première à être révélée c’est celle de l’hygiène dans les écoles et établissements scolaires. Tout le monde connait l’état de délabrement des toilettes scolaires, l’absence de savon et de papier, le manque même de points d’eau en nombre suffisant et l’absence d’eau chaude dans beaucoup d’écoles.
Tout cela est un héritage, presque un trait identitaire de l’école. La question de l’hygiène renvoie aussi bien à la culture scolaire, tournée vers le savoir intellectuel et ignorant le corps, qu’au climat scolaire et au style de gestion des établissements. On pourrait relier cette question à la place par exemple qu’a l’EPS dans la hiérarchie des disciplines.
Dénoncé depuis des lustres, le problème devrait sauter à la gorge des autorités en cas d’épidémie. A quoi sert d’afficher partout qu’il faut se laver les mains 30 secondes très régulièrement, et que c’est le 1er geste contre l’épidémie, quand on est incapable de le faire respecter. Une classe où les élèves se lavent les mains 30 secondes, dans la plupart des écoles c’est 10 à 15 minutes utilisées en lustrations à l’eau froide en supposant qu’il y ait du savon.
Sur ce point, le plus surprenant c’est la facilité avec laquelle les autorités éducatives ferment les yeux et les collectivités assument cette honte. Dans le meilleur des cas on a livré du savon ou on s’engage à en livrer « à la demande », renvoyant ainsi la responsabilité au terrain scolaire. Nulle part semble t-il on a décidé d’en finir avec ce problème. Le ministre des enfants lui-même se garde bien de dénoncer cette situation.
Faire entrer les parents à l’Ecole ?
La seconde révélation c’est celle de la communication avec les parents. Le ministre a dit que tout est prêt pour mettre en route la « continuité pédagogique ». Mais pour cela il faut déjà avoir un outil de communication à distance avec les parents. Dans de nombreuses circonscriptions du premier degré les directeurs ont consacré leur week end à établir des listes d’adresses électroniques de parents. Jusque là , et malgré les consignes antiterroristes, on ne s’était pas tellement soucié des parents. Là aussi on est dans la tradition de l’Ecole française quiveut que les parents restent à la porte de l’école.
Si dans le second degré les collectivités territoriales ont mis en place des ENT et les établissements des dispositifs de contact pour les notes et les absences, dans le premier degré il n’y a rien. D’où les instructions descendues hiérarchiquement dans l’urgence ce week end et nos directeurs qui tentent d’y répondre en rassemblant toutes les données éparpillées.
Du coup cette affaire fait aussi remonter l’opposition de parents et d’écoles au fichier Base élèves et l’absence en fait de fichier informatique à jour et riche en données des élèves. Cette opposition a aussi à voir avec la façon dont l’Education nationale traite ses directeurs. Puisque l’institution fait semblant de les payer, beaucoup ne remplissent que les tâches indispensables dans lesquelles n’entrait pas le fichier ministériel.
Etablir dans l’urgence des outils de communication avec les parents n’est pas le plus facile. Pour le moment les directeurs testent qu’ils n’ont pas les adresses électroniques de beaucoup de parents et que les messageries académiques ne sont pas forcément capables de les gérer. Mais demain ils vont découvrir que l’outil ne vaut que pas ses contenus. Si l’on veut vraiment pouvoir communiquer avec tous les parents il va falloir trouver quoi leur dire et qui va leur dire, sachant que coté directeurs c’est le ras le bol…
Peut-on gérer un système d’en haut ?
Troisième révélation, la prise de décision par en haut. C’est le gouvernement qui décide quelles écoles sont ouvertes ou fermées. On comprend bien qu’il y a un volet médical à associer au coté scolaire et, encore plus important, les conséquences économiques des décisions. Et on sait qu’on est dans un pays qui n’a pas vraiment réussi à décentraliser. Tout doit venir d’en haut même la fermeture d’une école communale. Ca nous vaut ces règlements compliqués , ces décisions correspondant aux limites administratives là où une épidémie a ses propres lois géographiques. Ca nous vaut aussi une certaine déresponsabilisation locale.
On n’en a surement pas fini avec l’épidémie ni avec ses conséquences. En 2009 certains voyaient dans les fermetures d’écoles annoncées la possibilité d’une école aux mains des parents. On en est sans doute loin. Mais cette question là va prendre de l’importance.
F Jarraud