L’urgence sanitaire et ses conséquences pour la communauté de travail perturbe gravement la mission des représentant·es du personnel : impossibilité de joindre les collègues, CSE en visioconférence peu adapté aux modalités de l’information consultation, refus des employeur·ses pour l’envoi des communications syndicales par mail.
Mais dans le même temps, certaines directions se précipitent pour négocier (déjà) des accords permettant d’imposer, différer ou fractionner la prise des congés payés. Dans ces situations, l’impérieuse nécessité d’utiliser les moyens de communication par mails ou visioconférence ne fait plus obstacle….
Le Conseil des ministres a adopté, vendredi 27 mars 2020, l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle. Ce texte élargit le périmètre d’éligibilité pour intégrer des salarié·es qui n’y avaient pas droit jusqu’alors, adaptent certaines modalités d’indemnisation des salarié·es. Il revoit les modalités d’accord pour placer un·e salarié·e protégé·e en activité partielle. Un décret précisera la durée d’application de l’ordonnance qui ne pourra pas être applicable au-delà du 31 décembre 2020.
Chômage partiel et salarié·e protégé·e
Une mesure de l’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit que « l’activité partielle s’impose au salarié protégé, sans que l’employeur n’ait à recueillir son accord, dès lors qu’elle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé« .
Cette nouvelle disposition est contraire à une jurisprudence constante de la Cour de Cassation qui avait indiqué que la mise au chômage partiel d’un·e représentant·e du personnel constitue véritablement une modification du contrat de travail. En conséquence, si le/la salarié·e représentant·e du personnel refuse sa mise au chômage partiel, l’employeur·se est dans l’obligation de lui verser l’intégralité du salaire perdu du fait sa mise au chômage partiel (Cour de cassation du 19 janvier 2011, pourvoi n°09-43194 D)
Cette nouvelle mesure pourrait apparaître comme une simple mesure d’équité et un discours démagogique tendrait à mettre en avant que « tout le monde se serre la ceinture, on doit être solidaire, alors pourquoi pas les représentant·es du personnel ! » C’est en réalité un nouveau mauvais coup porté aux droits collectifs dans l’entreprise.
Il est regrettable de ne trouver, pour l’instant, aucune précision sur l’exercice du mandat de représentant·e du personnel pendant la période de chômage partiel.
Si son contrat de travail est suspendu, Il est de jurisprudence tout aussi constante que la suspension du contrat de travail n’entraîne pas la suspension des mandats, cependant comment exercer celui-ci lorsque l’on est confiné ?
Le/la représentant·e du personnel doit donc être convoqué aux réunions d’instance ou de négociation. En temps « normal », il/elle est en droit de de pénétrer dans l’entreprise où peut encore travailler une partie des employé·es avec lesquels il·elle entend communiquer (CE, 13 nov. 1987, no 68.104). Cela devient tout à fait théorique en temps de confinement !!!!
Qu’en est-il du paiement des heures de délégation pendant la période de chômage partiel ?
L’interruption du travail due au chômage partiel (ou à une mise en activité partielle) ne suspend pas le mandat représentatif. En effet, par assimilation, des dispositions de l’article L 3123-14 prévoient expressément l’utilisation du crédit d’heures en dehors des heures de travail à temps partiel, le cas est étendu au/à la salarié·e bénéficiant de crédit d’heure en chômage partiel (jurisprudence en cas de chômage partiel dit bloqué pendant 4 mois : Cass soc 10 janvier 1989, n° 86-40350, en cas de chômage technique : Cass Crim 25 mai 1983 n°82-91538).
Les heures de délégation doivent donc être payées !
Le surcroit de travail généré par l’épisode actuel de Covid-19 constitue une circonstance exceptionnelle (événement provoquant un surcroit momentané et inhabituel de démarches) autorisant le dépassement du crédit d’heures de délégation. L’employeur·se peut demander des justifications lors d’un dépassement (Article R.2314-1 du Code du travail).
En pratique, comment faire vivre son mandat en situation d’urgence sanitaire ?
Sans accord d’entreprise seules 3 réunions du CSE sont possibles en visio-conférence.
Sans accord d’entreprise, les communications des élu·es et mandaté·es doivent se faire sur les panneaux prévus à cet effet.
Nous devons exiger dans tous les établissements que s’entament des négociations sur les droits collectifs permettant la communication de manière permanente par courriel auprès des salarié·es et la tenue de toutes les réunions d’instance par visioconférence jusqu’à la fin du confinement.
Utilisez vos heures de délégations en tant que de besoin, nous vivons une circonstance exceptionnelle !