Libération: 31 janvier 2020 à 07:09 ICI
Dix-sept élèves d’un lycée de La Rochelle n’ont pas eu le droit de participer à une épreuve de rattrapage en histoire-géo, après avoir manifesté et tenté de bloquer leur lycée le 20 janvier.
Question posée par Luc le 30/01/2020
Bonjour,
Vous nous interrogez sur une lettre publiée ce jeudi sur les réseaux sociaux, envoyée deux jours plus tôt par le proviseur du lycée René-Josué-Valin (La Rochelle) à une vingtaine d’élèves du même établissement.
#StopE3C Recalé avec un 0/20 à cause d’un abonnement Instagram, nan mais ça va pas là @EducationFrance ???
Entre les LBD dans les lycées et le flicage numérique, la gestion de la crise des #E3C #BacBlanquer prend un tournant carrément dangereux et irresponsable. #Bacatastrophe pic.twitter.com/fWhe91TDr7— Marie-Laure GB (@MarieLaureGB) January 30, 2020
«Pour faire suite à votre demande en date du 22 janvier 2020 par laquelle vous souhaitez que votre enfant soit autorisé à se présenter à l’épreuve de rattrapage en histoire-géographie, j’ai le regret de vous faire savoir que je ne peux pas donner une suite favorable», peut-on lire dans ce courrier.
De fait, après des manifestations le 20 janvier devant l’établissement, auxquelles avaient pris part certains lycées, un grand nombre d’élèves n’avaient pu participer à cet examen. Une épreuve de rattrapage a été organisée dix jours plus tard. Mais, parmi les élèves n’ayant pu participer à l’examen d’origine, 17, se sont vus refuser le droit de participer au rattrapage. Sanctionnés pour avoir manifesté, participé au blocage du lycée…ou s’être abonnés à un compte Instagram appelant au blocage du lycée.
Tout commence donc le lundi 20 janvier au matin, devant le lycée Valin, où des barricades avaient été installées devant l’établissement en signe de protestation contre la tenue des nouvelles épreuves communes de contrôle continu, les E3C, comme le raconte le quotidien régional Sud-Ouest. Même si le passage n’était pas totalement bloqué, la tenue de l’épreuve d’histoire-géographie a été fortement perturbée. «L’établissement a maintenu l’épreuve alors que les conditions d’accès n’étaient pas assurées, donc il y a eu beaucoup d’absences», observe un parent d’élève. «Le proviseur nous a envoyé un courriel en nous disant que les conditions d’accès seraient garanties et que notre enfant devait être présent à l’épreuve. Si ce n’est pas le cas, c’est un zéro assuré sans recours possible au rectorat. Ce matin, il est venu dire qu’il fallait entrer à tout prix. Je ne vais pas envoyer ma fille sur les barricades», expliquait ainsi une maman d’élève à Sud-Ouest.
De fait, le proviseur Fabrice Pelletier avait envoyé un mail à l’attention des élèves concernés, avertissant des sanctions en cas d’absence : «Depuis le début de la semaine, nous observons quelques manifestations de protestation et notamment un appel à bloquer l’établissement lundi matin. Les E3C sont programmées et vont bien se dérouler comme prévu. Les absents se verront réglementairement attribuer la note de zéro. Aucun recours au rectorat ne pourra modifier cette règle.»
Le lendemain, 19 minutes avant le début des épreuves, le proviseur réitère son avertissement : «Nous sommes à une demi-heure des épreuves, je vous rappelle que tous les élèves absents aux épreuves E3C sans justificatif valable ne seront pas admis à la session de rattrapage. Je vous invite à rejoindre maintenant les salles d’examen.» Sur une photo prise par Xavier Léotye et publiée dans Sud-Ouest, on aperçoit Fabrice Pelletier au milieu des élèves mobilisés en train d’aider une jeune fille à passer par dessus la grille. «Il a réussi à en faire passer quelques-uns», remarque le photographe.
17 élèves non autorisés à participer au rattrapage
Au total, sur les 450 élèves convoqués ce jour-là, 27% d’entre eux ont été absents à l’examen, soit environ 120 élèves. D’où la tenue d’une épreuve de rattrapage en histoire-géographie, qui avait lieu ce jeudi. A laquelle 17 élèves se sont donc vu refuser par courrier le droit de se présenter.
Pour justifier cette décision, le proviseur s’appuie sur l’article 12 de l’arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d’organisation du contrôle continu, qui précise : «En cas d’absence pour cause de force majeure dûment constatée à une épreuve commune de contrôle continu, le candidat est convoqué à une épreuve de remplacement dans les conditions fixées à l’article 4.»
Dans 17 cas, le proviseur a donc estimé que l’absence lors de la première épreuve n’était pas motivée par une raison de «force majeure». Parmi les arguments invoqués pour justifier cette décision, expliqués dans les différents courriers envoyés : le fait d’avoir participé aux manifestations ou/et au blocage du lycée. Mais aussi, de façon plus surprenante, le fait de s’être abonné au compte Instagram @BlocusValin, toujours en ligne à l’heure où nous écrivons ces lignes et qui appelait au blocage du lycée Valin il y a déjà deux semaines.
«Par ailleurs, son profil Instagram s’est abonné ce jour-là au compte @BlocusValin. Ainsi, le caractère imprévisible n’est pas démontré», écrit dans plusieurs courriers envoyés le proviseur du lycée, en s’appuyant sur les trois critères prouvant qu’une absence relève d’un cas de force majeure : elle doit être «extérieure», «irrésistible» et «imprévisible».
Les 17 courriers envoyés se terminent de la même façon : «Il convient dès lors d’appliquer le dernier alinéa de l’article 12 de l’arrêté du 16 juillet 2018», qui explique que l’absence ne relève pas d’un cas de force majeur, «la note zéro est attribuée au candidat pour l’épreuve auquel il n’a pas assisté».
Contacté par CheckNews, un parent d’élève explique : «Ils ont décidé de faire un tri entre les élèves qui ont participé et ceux qui ont subi. Parmi les élèves qu’ils ont reconnus comme bloqueurs, le fait qu’ils soient membres du groupe Instagram a été perçu comme une circonstance aggravante.»
Plusieurs élèves interrogés par CheckNews ne comprennent pas non plus comment le choix a été fait parmi les manifestants, entre ceux qui sont autorisés à participer au rattrapage et ceux qui ne le sont pas. «Moi, par exemple, j’étais abonné au compte Instagram, mais on ne me l’a pas reproché», dit l’un, qui explique également s’être présenté ce jeudi matin à l’examen de rattrapage, mais s’être vu refuser l’accès car non inscrit sur les listes. «Nous, on manifestait pour avoir des examens plus justes. Et on nous répond avec plus d’injustice encore. Je savais que je risquais un zéro, mais je ne comprends pas pourquoi seulement une vingtaine d’élèves ont été pénalisés. J’ai l’impression qu’ils ont choisi un peu au pif», estime une autre élève de première, qui n’a pas non plus pu participer au rattrapage.
Joint par CheckNews, le proviseur du lycée nous a redirigés vers le rectorat de Poitiers. Qui n’a, pour l’heure, pas répondu à nos sollicitations.
Cordialement