Monsieur le Premier ministre,
Vous nous avez fait parvenir un courrier, samedi 11 janvier, à l’issue des bilatérales que vous organisiez la veille à Matignon. Comme vous nous y invitez, nous donnons suite à ce courrier bien que vous ayez déjà transmis au Conseil d’Etat une version du projet de loi modifié dont nous n’avons pas connaissance. Les semaines se suivent et le scénario se répète…
La CGT et votre gouvernement portent deux projets de réforme, traduisant des projets de société diamétralement opposés. Pour la CGT, la vie après le travail ne doit pas être une vie au rabais. Les travailleurs doivent donc pouvoir partir à la retraite en bonne santé, et avec une pension qui permet de vivre dignement. Pour garantir cela, depuis deux ans, nous vous soumettons des propositions crédibles, financées et justes.
Votre réforme, Monsieur le Premier Ministre n’est ni juste, ni simple. D’ailleurs, plus les jours passent et plus nous sommes nombreux à mesurer la complexité de vos propositions et à les rejeter.
Ainsi, à la simple question de nous donner la définition d’une carrière complète, le Ministre en charge du dossier est incapable d’y apporter une réponse précise.
Je profite donc de ce courrier pour vous redemander :
- Qu’est-ce qu’une carrière complète ?
- Comment allez-vous articuler points et durée de cotisation ?
- Pourquoi ne pas avoir déjà mis en place un simulateur ?
Tout aussi inquiétant, à l’issue des deux multilatérales qui se sont tenues avec votre gouvernement, tant sur la pénibilité que sur l’emploi des séniors, le flou persiste. Sur le premier thème, aucune précision ne nous a été apportée sur la notion de pénibilité, la Ministre renvoyant même cette question à une éventuelle négociation ultérieure sur la santé au travail.
Sur l’emploi des seniors, le rapport qui nous a été remis, ne s’interroge jamais sur la stratégie des grands groupes visant à se séparer de salariés âgés de plus de 55 ans dans le cadre de plans de départs volontaires nommés, parfois agilité, parfois mobilité…mais dont l’objectif unique est de faire des économies en réduisant la masse salariale. Par contre, ce rapport met en avant des propositions élaborées par le MEDEF peu coûteuses pour le patronat visant à précariser et à flexibiliser les « fins de carrière » comme alternative au chômage de cette population.
Concernant le financement de la protection sociale et singulièrement celui des retraites nous avons évoqué le sujet, il y a plusieurs mois, avec celui qui était alors en charge du dossier M. DELEVOYE. Nous avions proposé à l’époque d’avoir un débat avec la participation d’experts, d’économistes (pas uniquement choisis par le gouvernement) permettant d’étudier plusieurs pistes de financement y compris pour améliorer le système actuel.
Lors de notre entretien de vendredi, j’ai renouvelé cette proposition en prenant note que cela s’appelait désormais « conférence de financement » pour ne pas polémiquer avec Laurent BERGER ou remettre en cause des engagements que vous auriez pu prendre avec lui.
A cette demande, vous avez répondu que vous n’écartiez pas cette possibilité en la trouvant intéressante. La lecture de votre courrier dès le lendemain, nous démontre que vous cherchez à nous imposer un cadre très restreint en refusant par exemple d’évoquer la hausse des cotisations par le biais du soi-disant « coût du travail » pour le plus grand bonheur du MEDEF. Ainsi à l’exemple de la dernière négociation sur l’assurance chômage, il semble que ce soit un droit à la négociation sous contrôle et sous contrainte qui nous est accordé. De plus malgré la loi sur la représentativité, vous faites rentrer dans la négociation, une organisation syndicale non représentative.
Les nombreuses incertitudes, imprécisions ou absences de contenus sur différentes modalités que je viens d’évoquer ci-dessus, nous interrogent sur les conditions du vote de la loi au parlement, si vote il y a, puisque nous avons bien noté qu’un certain nombre de choses se décideront par … décrets et ordonnances.
Contrairement à ce vous prétendez, la stratégie du gouvernement, sa conception du dialogue et de l’écoute ne sont pas de nature à apaiser le niveau de mécontentement et de mobilisation qui existe dans notre pays et dont l’opposition à cette contre-réforme est le reflet.
Recevez monsieur le Premier Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.
Philippe MARTINEZ Secrétaire général de la CGT