Suite à la parution le 30 octobre 2019 de l’instruction interministérielle relative au déploiement du service national universel (SNU) et à la diffusion le 10 novembre 2019 sur M6 dans l’émission « Zone Interdite » d’un reportage intitulé « Nouveau service national : les jeunes français au garde à vous. », conclue par une interview du secrétaire d’Etat Gabriel Attal confirmant l’ambition du gouvernement de rendre le SNU obligatoire pour toute une tranche d’âge à horizon 2023, le syndicat national des personnels de la jeunesse et des sports (SNPJS) CGT souhaite affirmer son opposition ferme et entière à la mise en œuvre du SNU.
Pour des raisons idéologiques : Eduquer à la paix et l’émancipation, pas à la guerre et à l’endoctrinement !
Le SNPJS CGT rejette le caractère militaire du séjour de cohésion se traduisant notamment par des rites et activités directement inspirés de l’univers guerrier tels que le port de l’uniforme, les levée de drapeau, le chant journalier de la Marseillaise, les parcours du combattant, les repas à base de rations militaires, les « compagnies » et leur « capitaine de compagnie »… Le caractère militaire apparait d’ailleurs confirmé par la forte proportion d’encadrants issus de corps de l’armée à l’occasion de la phase de préfiguration de 2019 et par l’instruction du 30 octobre précisant à deux reprises que « les armées apporteront leur concours à la formation des cadres, sous l’autorité des OGZDS, en particulier dans le domaine de la formation à l’exercice de l’autorité » et, plus loin, « les armées assureront la formation à l’exercice de l’autorité, au leadership et au développement de la cohésion ».
Pour le SNPJS CGT, ce cadre général est incompatible avec les objectifs d’émancipation des personnes et d’éducation à la paix partagés par l’essentiel des collègues en charge des politiques de jeunesse et de sports dans les services de l’Etat. Loin de susciter le questionnement, l’esprit critique, la prise en compte des individualités et des aspirations multiples des jeunes, le séjour de cohésion constitue en réalité un espace d’expression d’une pensée unique, endoctrinante, relayant une idéologie centrée sur la force et l’autorité. Ce projet est aux antipodes du projet émancipatoire propre à l’éducation populaire et à l’engagement de nombreux collègues ayant passé des concours de conseiller d’éducation populaire et de jeunesse ou de professeur de sport.
Pour des raisons déontologiques et juridiques : Non à l’Etat organisateur et contrôleur, Non aux associations transparentes, Non à la contrainte !
Les premiers éléments issus de la préfiguration amènent le SNPJS CGT à alerter sur le caractère incompatible avec le droit et/ou la déontologie des agents en charge des politiques de jeunesse et de sports.
Pour le SNPJS CGT les services de l’Etat ne peuvent en aucun cas assurer simultanément des missions de coordination de l’organisation des séjours et de contrôle de la sécurité physique et affective des mineurs accueillis, alors que le SNU relève désormais d’une catégorie de séjours spécifiques relevant de la réglementation des accueils collectifs de mineurs (ACM). Le SNPJS CGT relève que dans tout autre ACM, les multiples malaises recensés à l’occasion de la phase de préfiguration, notamment dans le cadre de cérémonies protocolaires interminables sous la canicule, auraient légitiment dû entrainer des rappels aux obligations de sécurité et de protection, des injonctions, voire des mesures de fermeture de centres. Dans le cadre du SNU, dans la mesure où les services en charge du contrôle sont également impliqués dans l’organisation et soumis à une pression hiérarchique exigeant une communication positive sur le dispositif, un regard distancié et indépendant garant de la sécurité des mineurs apparait impossible. Cette double fonction est donc inacceptable.
La création d’associations transparentes, dont le projet associatif est, de fait, commandé par l’Etat ne serait être une solution (décision du Conseil d’Etat du 21 mars 2007 « lorsqu’une personne privée est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme « transparente »). Il s’agirait là encore d’un mépris du droit comme des personnels des services par ailleurs en charge de la vie associative, et garants, à ce titre, de la liberté associative et de leur fonctionnement démocratique.
Enfin, et comme évoqué dans le rapport d’information sur le SNU présenté par Mesdames les députées Dubois et Guerel le 14 février 2018, le fait d’imposer de l’internat à des mineurs pourrait s’avérer anticonstitutionnel : « Tout dispositif prévoyant un internat des mineurs pourrait donc se heurter au principe constitutionnel de libre circulation et se voir immédiatement censuré par le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence en la matière est constante ».
Pour des raisons matérielles et logistiques : Des services exsangues, des moyens à positionner sur d’autres politiques éducatives et de jeunesse !
Dans un contexte de services jeunesse et sports déjà très fragilisés ayant vu fondre leurs moyens financiers et humains en faveur de la jeunesse depuis plus d’une décennie et déjà plus en mesure dans de multiples directions de porter efficacement les politiques de jeunesse, de sports et de vie associative dont ils ont la responsabilité, le niveau de crédits à allouer au SNU estimé à un minimum d’ 1,5 milliards d’euros par an dans la perspective d’une généralisation est indécent.
Le SNPJS CGT estime que ces moyens et d’autres pourraient être positionnés sur des politiques publiques réellement vectrices d’émancipation et de mixité social, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
Pour toutes ses raisons, le SNPJS CGT réaffirme son opposition ferme et entière au SNU et demande :
- l’arrêt immédiat de la procédure de déploiement du SNU,
- l’arrêt de toute politique de jeunesse complémentaire à l’instruction se fondant sur un régime obligatoire,
- la mise à disposition de moyens humains et financiers suffisants pour porter une réelle politique publique d’émancipation de la jeunesse, respectueuse de la diversité de ses aspirations et permettant l’appropriation de l’esprit critique,
- le développement de politiques de mixité sociale pour la jeunesse sur les temps de loisirs passant par un soutien accru à des politiques de formation des individus tout au long de la vie existantes telles que les chantiers de jeunes bénévoles, les séjours de vacances, la mobilité internationale, tout en respectant la diversité des projets éducatifs des organisateurs,
- le refus de la précarité des animateurs et autres personnels encadrant ce type de séjours, par une revalorisation des salaires et la cessation de tout usage abusif du contrat d’engagement éducatif (CEE).
Le SNPJS-CGT, A Paris, le 19 novembre 2019