La guerre d’Algérie fait actuellement partie des programmes scolaires d’histoire. Les archives sont ouvertes, un numéro spécial Historia Guerre d’Algérie Paroles de soldats dont la 1ère page de mon journal est parue en avril 2018. Le Figaro, en collaboration avec la Bibliothèque Nationale, publie actuellement une superbe collection d’originaux de Journaux de guerre -1954 Algérie – 1962, sur Internet Franck Ferrand Europe 1, Émission Le Récit Albert Nallet, Un appelé communiste.
Depuis 2008, je témoigne, souvent accompagné de Djoudi Attoumi et d’Abdel Azzi, anciens officiers de l’ALN dans des lycées, collèges, écoles primaires (classes de 1ères et terminales) devant quelque 80 classes. Les élèves sont impressionnés d’avoir des témoins des deux côtés.
Leurs questions sont nombreuses et pertinentes et portent sur :
. les combattant·es algériens n’hésitant pas à donner leur vie plutôt que de se rendre, traités de hors-la-loi animés d’un profond engagement qui leur a permis de résister aux dures épreuves imposées par l’armée française, 4e puissance militaire du monde (vie clandestine dans le maquis, torture infligée pour arracher des renseignements, « corvée de bois », exécutions sommaires -140 000 mort·es en martyrs-, un quart de la population civile accusée de protéger les fellaghas déplacée, 300 000 réfugié·es en Tunisie et Maroc, 207 guillotiné·es, 8 000 villages et des milliers d’hectares de forêt brûlés au napalm.
. les 30 000 mort·es dont près de la moitié appelés du contingent, 65 000
blessé·es, 300 000 traumatisé·es psychiques. Pour ma part, le fait d’avoir tenu un journal sur les lieux d’opérations me permet de relater les faits tels qu’ils se sont produits sans la déformation involontaire qui pourrait s’en suivre. Les élèves ayant presque l’âge que j’avais lorsque je suis parti là-bas mesurent la dure vie dangereuse, angoissante qui nous a été imposée.
Les questions les plus récurrentes, pour en citer quelques-unes significatives sont les suivantes :
À moi-même : « Pourquoi les gens ne manifestaient-ils pas plus contre la guerre en 1956 – Avez-vous torturé ou tué – Qui le faisait – Vous êtes-vous trouvé face à un combattant – Votre mère devait pleurer tous les jours – Comment s’est passé votre retour ? » .
A Alger, en 2013, lors d’une invitation au Festival International de la Littérature et du Livre de Jeunesse puis un collège de Tizi-Ouzou : « Comment avez-vous fait pour tenir le coup ? Étiez-vous nombreux comme vous contre la guerre ? Avez-vous songé au refus d’obéissance ou à la désertion ? ».
Je leur lis la préface de mon livre « On n’efface pas la vérité » . Guerre d’Algérie intitulée Le cauchemar (tragique embuscade au très lourd bilan : 5 morts, dont le lieutenant chef de convoi, et 7 grièvement blessés).
À Djoudi Attoumi membre de la commission du cessez-le-feu en 62, auteur de « Avoir 20 ans dans les maquis » : « Albert Nallet c’est un frère de combat, pas fait pour la guerre mais pour l’émancipation humaine, un monde sans guerre fraternel et solidaire ».
Les questions sont tout aussi pertinentes : « Comment pouvez-vous dire que vous étiez à un moment en face de M. Nallet – Combien d’années de maquis – Aujourd’hui comment travaillez-vous à la réconciliation, à la construction de l’amitié ? »
Au lycée Le Chatelier à Marseille, en présence des Pieds-Noirs progressistes, nous répondons aux 30 questions préparées par 150 élèves.
Lors d’une conférence à Nantes « La raison l’emportera » , on aborde le code de l’indigénat, les crimes du colonialisme, les méfaits du néo-colonialisme aujourd’hui.
En janvier 2019, à l’auditorium de l’Hôtel de ville de Paris, D. Attoumi et moi-même participons à une rencontre avec projection du film « Maurice Audin La disparition » dans lequel nous témoignons. Présence de Michèle et Pierre Audin, les enfants de Maurice Audin, pour lequel le président de la République vient de reconnaître la responsabilité de la France dans sa disparition.
Le 19 mars prochain, dans le même auditorium, nous participerons à une conférence-débat « Soldats du refus dans la guerre d’Algérie Histoire et Héritages ».
À chaque rencontre avec mes amis algériens, nous formulons toujours les mêmes vœux : bannissons la haine qui conduit à la guerre et construisons ensemble les rapports humains nécessaires à l’intérêt de deux peuples.
Aujourd’hui, nous sommes solidaires du vaste mouvement populaire algérien pour des élections sans fraude, un président prêt à éradiquer la corruption, protecteur des libertés.