L’humanité ici Jeudi, 16 Mai, 2019 Camille Bauer
Malgré une communication triomphante, la réforme portée par Jean-Michel Blanquer pourrait encore dégrader la situation des AESH, ces personnels qui accompagnent les enfants handicapés dans leur scolarité.
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ont appelé mercredi à une nouvelle journée de mobilisation nationale. Ils estiment que les avancées sur leur statut, mises en avant depuis la fin, en février, de la concertation pour une « école inclusive », constituent un écran de fumée. Le volet de la loi Blanquer qui les concerne « présage d’une dégradation de leurs conditions de travail », souligne le communiqué diffusé hier lors d’une conférence de presse intersyndicale. Principale source d’inquiétude, la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial). Alors que jusqu’à présent les AESH se voyaient attribuer l’accompagnement des élèves en fonction du nombre d’heures déterminées par l’avis médical des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les affectations seront désormais faites par les Pial, en fonction du nombre d’heures global à disposition. « Cela va renforcer la mutualisation à outrance », souligne Hélène Elouard, du Collectif AESH de la CGT Éduc’action. En clair, au lieu de travailler avec un élève, les AESH devront en assister jusqu’à 4 ou 5, répartis dans plusieurs établissements. Cette transformation est accélérée par la pression mise sur les MDPH pour ne plus préciser le nombre d’heures d’accompagnement de chaque élève.
Présentée comme un moyen de répondre aux besoins des élèves handicapés, qui pour certains peuvent travailler avec un accompagnement ponctuel, la mutualisation répond en réalité à une logique comptable. « L’idée est de trouver une solution pour les milliers d’enfants qui, tous les ans, ne peuvent, faute d’accompagnant, être scolarisés. Mais comme on ne veut ni embaucher ni améliorer le statut des AESH, on est de plus en plus dans une gestion quantitative des moyens dont on dispose, au lieu de se baser sur les besoins individuels de l’enfant », explique Sophia Catella, chargée des AESH au SNUipp-FSU.
Seule véritable amélioration pour ces accompagnants : au lieu de devoir enchaîner six CDD d’un an avant de pouvoir prétendre à un CDI, ils se verront désormais proposer deux CDD de trois ans. « Les années antérieures faites avec un autre statut ne seront pas comptabilisées. Du coup, certains pourront enchaîner dix années avant d’obtenir un CDI », tempère Maud Valegas, de SUD éducation. Le ministère de l’Éducation a aussi promis qu’à partir de la rentrée prochaine plus personne ne serait embauché en contrat aidé, le statut utilisé avant la création des AESH, en 2014. « Sauf qu’il n’y a pas de budget pour transformer tous les contrats aidés en AESH ; des tas de gens risquent de se retrouver sur le carreau », observe Yvon-Yvan Barabinot, de la CGT Éduc’action.
Surtout, aucune revalorisation de salaire n’est prévue. Ni à l’embauche, ni au passage en CDI. Payés au Smic pour 20 à 24 heures par semaine en moyenne, les AESH vont continuer de gagner environ 600 euros par mois. Les heures de formation et de préparation ne sont toujours pas décomptées, pas plus que l’indispensable travail de coordination avec l’équipe éducative. Présentée comme une avancée par le gouvernement, la formation de 60 heures existe déjà… mais ne permet pas de pouvoir comprendre des enfants porteurs de handicaps très variés. « On nous demande une grosse compétence et de l’adaptabilité, mais sans les moyens nécessaires », résume Hélène Elouard.
« Les AESH répondent à un besoin de service public, on demande qu’ils aient le statut de la fonction publique », souligne Arnaud Malaisé, cosecrétaire général du SNUipp-FSU. Accès à la formation continue, prise en compte du travail fourni hors des salles de classe, salaire décent… Sans toutes ces conditions, les discours sur l’école inclusive continueront de ressembler à un simple effet de manches.