Enseignement pro : une note de service qui confirme les dangers de la réforme.
Références réglementaires
Le Bulletin officiel n°12 du 21 mars 2019
Note de service n° 2019-023 du 18-3-2019
La CGT Educ’Action, depuis la publication du dossier de presse « Transformer le lycée professionnel » en mai 2018, n’a cessé de dénoncer les dangers contenus dans la réforme de la voie professionnelle. Cette note de service confirme les informations que nous vous avions fournies : attaque des heures élèves et des heures disciplinaires, développement de l’annualisation et de l’autonomie des établissements, employabilité immédiate des enseignant·es, personnalisation à outrance du parcours de l’élève !
Assumant « l’allègement de l’emploi du temps des élèves, auquel toutes les disciplines de spécialités professionnelles et générales ont contribué (sauf PSE et Eco-gestion) », le ministère affirme que « cette diminution permettra un meilleur taux d’encadrement », affirmation mensongère car l’arrivée des DGH en janvier a démontré le contraire. Il poursuit en disant que « la mise en place de nouvelles modalités d’intervention pédagogiques pluridisciplinaires (chef d’œuvre et co-intervention) favoriseront la réussite des élèves ». Nous en doutons, car l’installation de ces nouveaux dispositifs est une attaque en règle contre les enseignements proprement disciplinaire, et il se fait dans l’urgence et l’improvisation les plus totales.
Dans les faits, chaque établissement est renvoyé à son autonomie pour organiser la mise en place de la co-intervention « si une répartition hebdomadaire des heures de co-intervention reste sans doute plus simple à mettre en œuvre, elle pourra être utilement aménagée en fonction des projets par quinzaine, toutes les trois semaines, ou regroupées sur une période ». L’annualisation a de beaux jours devant elle. Les équipes pédagogiques, qui découvrent les nouveaux programmes d’enseignement général, sont sommées de se mettre en ordre de bataille. Les collègues doivent s’adapter, anticiper, travailler en amont, construire un programme car « ces heures ne font pas l’objet d’un programme spécifique distinct ». Généreusement, « les heures de co-intervention des deux premières semaines de la rentrée (soit 8 heures professeurs en fait 4 heures) pourront être dédiées à la concertation ». Comme nos élèves nous sommes renvoyés à notre employabilité.
Le chef d’œuvre est présenté comme « l’aboutissement d’un projet pluridisciplinaire construit, individuel ou collaboratif ». Or, il est bien rare dans nos établissements, comme l’affirme pourtant cette note de service qu’en CAP « la dotation horaire professeur est égale au double du volume horaire élève », le plus souvent l’enseignement général n’est pas pourvu en heures de chef d’œuvre, il ne sera donc pas pluridisciplinaire ! De toute façon, le financement de ce caractère pluridisciplinaire devra se faire quand il se fera par une ponction sur les volumes horaires alloués jusque-là aux dédoublements, les cours à effectifs réduits. Le chef d’œuvre semble déjà en péril avant d’avoir d’avoir vu le jour. Par collaboratif il faut entendre qu’il peut se faire avec « une classe différente, un établissement différent, une entreprise…. ». Le chef d’œuvre pourra même prendre l’aspect d’une mini-entreprise.
Ces deux dispositifs portent une vision utilitariste de l’enseignement, ils appauvrissent les contenus de formation et ne permettront pas aux élèves une insertion professionnelle qualifiante ni de poursuivre leur étude. Quant à l’émancipation elle n’est jamais évoquée.
La personnalisation du parcours de l’élève est présentée comme un gage de réussite et se traduit par une augmentation vertigineuse des heures d’accompagnement de l’élève. Entre consolidation des acquis (français/maths) et orientation, ces heures ont été multipliées par six en CAP et augmentées fortement en BAC pro. Elles permettent ainsi de palier à la régionalisation des CIO et de confier aux professeurs principaux la responsabilité de l’orientation des élèves. L’orientation est un métier qui doit être exercé par des professionnels.elles, cette dérive est inacceptable. Il est écrit que «cet accompagnement à l’orientation peut aussi être mis en place en vue d’une évolution de l’élève vers un statut d’apprenti en première et terminale ». On nous demande de favoriser le « mixage » des publics et des parcours en développant l’apprentissage. Cette personnalisation du parcours de l’élève se concrétise aussi par l’apparition des CAP modulaire (1, 2, 3 ans), néanmoins les parcours dérogatoires devraient être soumis à l’approbation des équipes. Cette logique de l’individualisation à outrance, aboutira à terme, à rendre les élèves responsables de leur propre employabilité.
Dans la réalité, les collègues dans les établissements oscillent entre inquiétude, fatigue, incompréhension et colère devant cette réforme libérale et sa mise en place à marche forcée. Outre que la charge de travail va être considérable, elle va changer en profondeur notre métier jusqu’à en interroger le sens. Cette réforme, au service du patronat, a pour objectif politique la baisse du coût du travail. C’est pour cela qu’il faut « fabriquer » une main d’œuvre moins qualifiée, précaire, flexible et donc servile et corvéable à merci. Voilà « l’excellence » visée pour les enfants issus des milieux populaires. C’est tout le sens du projet Blanquer pour l’enseignement professionnel.
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