Derrière un succès quantitatif, un envers du décor peu reluisant pour les salariés et l’assurance-chômage.
Selon une étude de la Direction de la statistique publiée le 11 février 2019, 437 700 ruptures conventionnelles ont été homologuées en 2018 par le ministère du Travail, soit une hausse constante qui ne se dément pas depuis la création de la mesure mi-2008, à partir de l’ANI sécurisation de l’emploi, non signé – à juste titre – par la CGT.
QUE RÉVÈLE EN RÉALITÉ CETTE ENQUÊTE ?
La rupture conventionnelle ne traduit nullement un parcours ou une évolution professionnelle, ni ne vise à fluidifier le « marché du travail ». Du reste, elle est proportionnellement peu utilisée par les cadres. Chaque année, les ruptures conventionnelles viennent grossir les rangs des chômeurs.
Ainsi, pour l’année 2018, le nombre d’inscriptions à la suite d’une rupture conventionnelle s’est élevé à 410 700 sur un total de ruptures homologuées de 437 700. Plus de 9 salariés sur 10 ayant quitté « à l’amiable » leur entreprise se retrouvent à la case chômage ! Et lorsque l’on sait que la volonté du patronat – et du gouvernement qui le soutient – dans les négociations actuelles sur l’assurance-chômage est de durcir les conditions et les montants d’indemnisation, il y a de sombres perspectives pour ces demandeurs d’emploi. On est bien loin de la « start-up economy » ou de toute progression sociale…
Près d’un salarié sur 3 déclare avoir été contraint par son employeur à quitter l’entreprise (étude Dares). Les trois quarts des ruptures conventionnelles sont conclues dans les petites entreprises, où les syndicats sont moins présents et les salariés plus précaires et vulnérables.
Des droits revus à la baisse. Tous les ingrédients sont réunis pour que la séparation « à l’amiable » devienne un piège mortel. En témoigne le niveau des indemnités versées aux employés et salariés. Au passage, les employeurs font des économies substantielles sur les plans sociaux.
Souffrance au travail. De nombreux cas signalés par les syndicats CGT ou les unions locales sont motivés par des dépressions nerveuses suite à des craquages du salarié en conflit avec son employeur ou harcelé, même si l’étude de la Dares ne permet pas d’établir un lien entre la rupture conventionnelle et le substitut à la retraite.
Le prix de cette « flexisécurité à la française » ? La CGT l’estime à plus de 4 milliards d’euros, soit les deux tiers de ce que représentent les allocations ouvertes suite à des ruptures conventionnelles, de quoi réduire les dépenses globales de l’assurance-chômage autrement que sur le dos des demandeurs d’emploi. Bien sûr, le Medef ne veut pas en entendre parler…
La double peine ? Certains députés LRM voient des tricheurs partout et veulent en profiter, non pas pour encadrer les ruptures conventionnelles, mais pour remettre en cause les allocations-chômage ! L’affirmation selon laquelle les chômeurs trichent, optimisent, sert à tout justifier : les sanctions, l’obligation d’accepter des offres « raisonnables » d’emploi – en réalité de plus en dégradées – et des baisses violentes de droits. Or, selon Pôle emploi, la fraude représente 0,4 % des allocations, et selon une étude Unedic auprès de 5 002 chômeurs, ceux-ci ne cherchent pas à « optimiser », mais bien un CDI à temps plein !
LES PROPOSITIONS DE LA CGT
Dans le cadre du Code du travail digne du xxie siècle, agir pour renforcer les droits :
- • bilan des ruptures conventionnelles non volontaires ;
- • procédure de résiliation judiciaire accélérée ;
- • information des institutions représentatives du personnel sur les ruptures conventionnelles.
Dans le cadre de la convention assurance chômage :
- • instauration d’une cotisation spécifique à payer par l’employeur pour chaque rupture de contrat avec un salarié sénior à verser à l’Unedic ;
- • versement par l’entreprise d’une contribution au service public de l’emploi ;
- • ouverture du droit à indemnisation pour « démission légitime » avec un financement prévu.