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Bien que largement rejeté, le projet de loi de transformation de la Fonction publique devrait être voté avant l’été. Le 15 mars, les syndicats de fonctionnaires ont voté unanimement contre le projet de loi de transformation de la Fonction publique lors d’un conseil commun de la Fonction publique (CCFP). Ce vote unanime donne une idée de la révolution qu’apporte ce texte qui impose une gestion libérale des agents de la Fonction publique. Ceux ci dépendront dorénavant de leur « manager » local sans que des commissions paritaires puissent controler ses actes. Le projet de loi gouvernemental revient sur le paritarisme en supprimant les CHSCT. Il réduit fortement les compétences des commissions administratives paritaires (CAP). Celles ci n’auront plus leur mot à dire matière de mutation et d’avancement. Face aux nouveaux pouvoirs des « managers », aussi bien pour le recrutement que pour la gestion des carrières et la discipline, les agents devront porter seuls leur réclamation devant la juridiction administrative. Enfin le texte banalise le recours aux contractuels pour tous les niveaux de la Fonction publique. Bientôt des chefs d’établissement et des Dasen contractuels ?
La révolution des managers
« La nécessaire transformation de l’action publique ne peut être menée à bien sans redonner sens et confiance aux 5,5 millions d’agents qui font tous les jours vivre le service public », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi de transformation d ela Fonction publique. « Cette transformation doit également être l’occasion de conforter et responsabiliser les managers publics en développant les leviers qui leur permettront d’être de vrais chefs d’équipe : en recrutant les compétences nécessaires au bon fonctionnement de leur service, en promouvant l’engagement professionnel de leurs équipes, en prenant des décisions au plus proche du terrain, sans remontée systématique au niveau national. Enfin, la recherche de nouvelles souplesses… dans les organisations de travail apparait indispensable pour améliorer la qualité du service public et garantir sa présence au plus près des territoires ».
Le projet de loi entend libérer les « managers », pour les enseignants les chefs d’établissement, principaux des futurs EPSF , Dasen etc. Finis les freins que constituent les commissions paritaires avec leurs vérifications et leur consultation en cas de conflit.
Le projet de loi commence par retirer une épine du pied des managers en supprimant les CHSCT qui sont dotés de pouvoirs réels en terme d’hygiène et sécurité. L’article 2 du projet de loi supprime les CHSCT et les comités techniques pour les remplacer par une nouvelle instance, le « comité social d’administration » (CSA).
L’article 3 modifie les compétences des commissions administratives paritaires (CAP) en supprimant leur avis préalable sur les questions de mobilité, d’avancement et de promotion. Pour le gouvernement c’est nécessaire pour « déconcentrer les décisions individuelles ». C’est la fameuse « gestion de proximité » annoncée par JM Blanquer : le « manager » local doit pouvoir décider seul de la carrière des fonctionnaires sous ses ordres. Il faut » doter les managers des leviers de ressources humaines nécessaires à leur action » dit le texte.
Le fonctionnaire victime d’une erreur ou d’une mauvaise action de la part de son manager ne pourra plus demander l’intervention d’un élu. La loi prévoit « un recours administratif préalable obligatoire en cas de décision individuelle défavorable en matière de promotion, d’avancement, de mobilité et de mutation » dans des conditions qui seront définies par le Conseil d’Etat. Chaque agent devra donc se défendre seul et saisir individuellement la juridiction en charge de la question.
L’article 9 « simplifie » les procédures de mutation des fonctionnaires de l’Etat en supprimant la consultation préalable en CAP. L’article 10 supprime la notation qui sera remplacée par l’entretien individuel avec le manager. On peut craindre qu’à cette occasion soit revues les règles fixées par les accords PPCR comme la limitation de l’impact des inspections. Les CAP perdront aussi leur compétences en matière de promotion de corps, de cadre d’emploi ou de grade.
Toutes ces mesures ont un objectif clair : en finir avec l’influence syndicale dans l’administration. En effet c’est le controle qu’ils exercent sur la gestion administrative des carrières qui fait la puissance des syndicats de fonctionnaires. En leur retirant tout pouvoir d’intervention , le gouvernement fait coup double. Il assujettit les fonctionnaires à son autorité comme ils ne l’étaient plus depuis le début du 20ème siècle. Il se débarrasse des seules instances qui obligent les ministres et les cadres à un minimum de dialogue et à justifier leurs décisions.
Le recours général au contrat
L’article 5 du projet de loi autorise le recrutement de contractuels sur des emplois de direction de l’Etat. L’article 6 crée un nouveau type de contrat à durée » déterminée au sein de la fonction publique, le « contrat de projet ». L’article 7 étend la possibilité de recruter des contractuels dans la fonction publique.
« Cette mesure répond aux attentes des employeurs publics en renforçant les leviers managériaux à leur disposition pour faire face à l’évolution des métiers de la fonction publique », explique la loi.
Alors que la fonction publique compte déjà 20% de contractuels, le projet de loi vise clairement à remplacer les fonctionnaires par des contractuels à tous les niveaux. Dans l’enseignement c’est la réponse qu’ont trouvé plusieurs pays à l a crise du recrutement. PLutôt qu’augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail des enseignants, recruter des contractuels en levant les conditions de diplôme exigées et en fixant au cas par cas la rémunération.
Arbitraire et individualisation
On comprend que tous les syndicats aient voté contre ce texte qui est en discussion depuis des mois. Le projet de loi que le gouvernement veut faire passer en urgence va affecter gravement directement et indirectement la vie des enseignants. Directement en les livrant à l’arbitraire d’une hiérarchie qui n’a pas la confiance des enseignants comme le montrent aussi bien le Baromètre Unsa que l’enquête Talis de l’Ocde. C’est la fin d’une certaine conception du métier, de l’enseignant concepteur de son enseignement. La loi prépare le passage au simple exécutant soumis aux décisions de toute nature de la hiérarchie. La généralisation de contractuels ayant encore moins de garanties que les fonctionnaires exercera une pression irrésistible à l’alignement par le bas des conditions de travail dans les établissements. Les conséquences graves de ce texte expliquent l’appel à manifester le 19 mars et sans doute d’autres actions à venir.
François Jarraud