Madame la ministre, les raisons de la colère de la CGT sont nombreuses, trop nombreuses pour commencer notre déclaration par un satisfécit sur votre présence à l’ouverture du premier comité technique de cette nouvelle mandature.
En moins de deux ans à la tête de l’État, votre gouvernement enchaîne des lois qui les unes après les autres, n’ont qu’un seul but, détricoter tous cadres protecteurs bénéficiant à ceux et celles qui n’ont que leur force de travail pour vivre ou survivre. L’idéologie du pouvoir repose sur une libéralisation sans limite de l’économie française. Plus rien ne doit faire obstacle aux intérêts de la classe possédante. La loi dite « anticasseurs », en discussion à l’assemblée nationale, va mettre à mal les libertés publiques et le droit de manifester : droits fondamentaux acquis de hautes luttes par nos aîné·es. Depuis bientôt trois mois, la colère populaire gronde contre les politiques d’austérité et de restrictions imposées depuis de trop nombreuses années par les gouvernements successifs. Après les luttes pour la défense du Code du Travail, nous constatons à nouveau que le gouvernement n’hésite plus à recourir à la violence policière pour réprimer durement le mouvement social. Il s’en prend maintenant à la jeunesse du pays, mobilisée pour le droit aux études supérieures.
Contraindre des lycéen·nes à s’agenouiller les mains sur la tête face à un mur et les insulter ou dernièrement utiliser un taser contre deux lycéen·nes pacifiques lors d’un rassemblement devant leur établissement. Et maintenant, voici que samedi 2 février, c’est un syndicaliste qui est blessé au pied, probablement par un LBD, alors qu’il manifestait pacifiquement : voilà la seule réponse du pouvoir à cet engagement citoyen de la jeunesse et de la population. Nous tenons d’ailleurs à apporter publiquement toute notre solidarité à Louis Boyard, président de l’UNL avec qui nous avons partagé toute la mobilisation contre Parcoursup et la loi ORE. Nous réaffirmons ici solennellement notre condamnation de la répression des mouvements sociaux et demandons l’arrêt immédiat de l’usage des LBD lors des manifestations. La première violence est bien la violence sociale imposée par le gouvernement.
La réforme de l’État participe de cette logique du désengagement de l’État au profit des intérêts privés avec le transfert des missions publiques vers le privé et la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Notre statut de fonctionnaire est plus que jamais menacé avec le refus de revalorisation du point d’indice, la modulation des rémunérations à coup de prime au mérite, le recours sans cesse accru aux personnels précaires et le projet de création d’un « CDI de mission », en réalité véritable contrat à durée déterminée lié à la durée d’une mission. Autant de motifs de colère liés à la mise à mal de notre statut mais malheureusement la situation au sein de notre ministère ne nous satisfait pas d’avantage.
Les dossiers en cours sont tous sujets à un profond désaccord de la part de la FERC-CGT.
A l’occasion des 80 ans du CNRS, le 1er Février, le premier ministre dans un discours prononcé devant les directeur·trices d’unité vous a demandé Madame la ministre de mettre en chantier une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Edouard Philippe n’a pas annoncé une augmentation des moyens, il a demandé aux cadres scientifiques de choisir parmi les disciplines celles qu’il convient de garder et celles qu’il convient de sacrifier, quels équipements il faut renoncer à financer. Il s’agit d’aller encore plus loin dans la précarisation du travail via les contrats de projet, dans le recrutement de « stars » hors procédure de concours bénéficiant de salaire personnalisé, dans le développement du portage salarial, il s’agit de lier encore plus les laboratoires publics aux stratégies des entreprises. Lors de cette journée, le premier ministre a affirmé que les moyens alloués à la recherche avaient augmenté de 8 % en deux ans, cette affirmation est fausse. Des budgets qui stagnent sont en fait des budgets en récession en particulier parce qu’ils ne tiennent compte ni de l’inflation, ni des effets du GVT. Pour les universités, nous dénonçons depuis des années le sous-investissement, le manque de postes statutaires, alors que le nombre d’étudiant·es ne cesse d’augmenter. Le premier ministre pour parler de l’avenir de la recherche a déclaré : « Choisir, c’est renoncer ». Les personnels ne renonceront pas Madame la ministre, ils vont se rebeller.
Les étudiant·es aussi sont victimes de votre politique. La machine infernale Parcoursup / loi ORE a fonctionné à plein régime. Tout ce que la FERC CGT dénonce depuis près d’un an s’est trouvé confirmé à la rentrée universitaire : la loi ORE et Parcoursup n’ont pas pour but d’affecter les bachelier·es dans le supérieur en fonction des vœux de ces derniers, ce sont des outils conçus pour sélectionner, trier socialement, et barrer l’accès de dizaine de milliers de jeunes à une formation universitaire. Là encore, pour vous, « choisir, c’est renoncer ». C’est le contraire des valeurs du service public que nous défendons. La FERC CGT demande l’abrogation de la loi ORE et l’abandon de Parcoursup.
Tout comme, nous refusons l’augmentation des frais d’inscription des étranger·es extra-communautaires prévue dans le projet très mal nommé « Bienvenue en France ». Selon le gouvernement, ce texte repose sur une série de mesures visant à attirer davantage d’étudiant·es étrangers. Cette stratégie dite « d’attractivité » propose des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-européens de 10 et 16 fois supérieurs à ceux pratiqués actuellement. L’objectif affiché par le gouvernement : accueillir un demi-million d’étudiant·es étrangers d’ici 2027. Pourtant, la France est le 4e pays d’accueil des étudiant·es internationaux au monde, après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, et le 1er pays d’accueil non-anglophone. La France est donc déjà en bonne place dans ce classement. Sous couvert d’amélioration de l’accueil des étranger·es, ce projet va pénaliser lourdement l’accès aux universités françaises pour les étudiant·es de classe modeste. Le modèle d’enseignement supérieur anglo-américain, pris en exemple n’est autre qu’un modèle inégalitaire, très coûteux, qui n’a cure de la mixité sociale, il est incompatible avec les valeurs de notre République. Les universités françaises sont tournées vers les zones francophones de l’Afrique et de la Méditerranée, mais dont les pays n’ont pas le même niveau de vie qu’en France et sont peu pourvoyeurs d’étudiant·es fortunés.
Selon vous, si les universités françaises doivent être « attractives », elles doivent diversifier « leur clientèle » et attirer des étudiant·es des classes supérieures des pays les plus riches où les fils et filles « des premiers de cordée » sont nombreux. C’est contraire aux valeurs universalistes de l’Université française et nuit aux échanges internationaux scientifiques, culturels et économiques. Les laboratoires des organismes nationaux de recherche ont tissé de nombreux liens internationaux qui sont au cœur des évolutions scientifiques. Ces liens se traduisent par la venue d’étudiant·es étrangers encadrés en master et en doctorat. Une telle mesure nuira considérablement à ces échanges scientifiques, à l’enrichissement, à la diffusion et au rayonnement de la recherche française. Elle risque d’entraver des recherches des laboratoires menées grâce à l’implication de ces doctorant·es. Ce ne sont pas les rustines dernièrement proposées par le ministère visant à exonérer des frais certaines populations d’étranger·es qui changeront le scandale de la hausse des frais d’inscription. Et nous dénonçons avec force ce qui est un premier pas visant à généraliser cette hausse à tous les étudiant·es. Nous restons viscéralement attachés au service public de l’ESR gratuit, laïque, ouvert à toutes et tous sur tout le territoire et au libre choix des filières, en un mot : émancipateur.
Nous ne sommes pas non plus dupes à propos des restructurations en cours dans la recherche et l’enseignement supérieur visant à créer des super-structures telles que des « universités de recherche nationale » qui vont profondément bouleverser le paysage de la recherche et de l’Enseignement supérieur et qui mettent à mal les personnels des établissements au quotidien depuis 10 ans. Les mutualisations des personnels de la recherche et des universités sont en marche. La fusion de l’INRA et de l’IRSTEA, l’absorption de l’IFSTTAR dans une université, que nous dénonçons, sont les premiers exemples d’une volonté de mutualisation des moyens et des personnels. Les prérogatives nationales, voire l’existence même, des organismes de recherche sont aussi en ligne de mire de ces restructurations.
Enfin, la FERC CGT exprime ici son mécontentement quant à la lecture erronée qui est faite par les directions des CROUS à propos du protocole de titularisation signé au mois de mai 2017. Certains CROUS ont donné des informations fausses ou incomplètes à leurs personnels sur la procédure de titularisation, la nécessité de passer un concours avec un nombre limité de postes à chaque session est une réelle difficulté. La CGT reste mobilisée pour la réussite de la mise en œuvre de la fonctionnarisation dans l’intérêt des agent·es et du service public des CROUS.
Madame la Ministre lors de la grand-messe des 80 ans du CNRS vous avez déclaré « Nous ne devons rien nous interdire » et bien justement, la FERC CGT ne va rien s’interdire et appeler les personnels des universités, des organismes de recherche et des Crous à exprimer leurs doléances et revendications dès demain lors de l’action du 5 Février. Nous continuerons dans les mois à venir et ce jusqu’à l’obtention de nos légitimes revendications pour les personnels de notre ministère et pour un Enseignement supérieur et une recherche française au service des populations. Pour conclure, nous demandons solennellement, lors de cette première séance du nouveau CTMESR, de renoncer à l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-communautaires, demande portée par l’ensemble des organisations syndicales de personnels et d’étudiant·es.
Motion étudiant·es étrangers, votée à l’unanimité
Motion de solidarité à L. Boyard : refus d’être mise au vote par
l’administration au prétexte que ce serait hors sujet. Ça a été lu en
séance.