A l’occasion des 80 ans du CNRS, le premier ministre, dans un discours prononcé devant les directeurs d’unité, a demandé à Frédérique Vidal de mettre en chantier une loi de programmation pluriannuelle. Edouard Philippe n’a pas annoncé une augmentation des moyens, il a demandé aux cadres scientifiques de choisir parmi les disciplines celles qu’il convient de garder et celles qu’il convient de sacrifier, et quels équipements il faut renoncer à financer. « Je ne crois pas que nous devons nous contenter du statu quo, je compte sur vous d’abord pour faire des choix et de décider ce qui est le plus important ce sur quoi nous devons mobiliser nos moyens. Nous avons besoin que vous vous prononciez sur ce sujet ». La loi Allègre de 1999 n’a pas eu le succès espéré auprès des chercheurs de la recherche publique. En presque vingt ans, il n’y a eu que 231 demandes de création d’entreprise, 1 250 demandes de concours scientifique et 51 demandes de participation à la gouvernance d’une société anonyme. Les chercheurs français sont appelés par la Ministre à se lancer dans « l’aventure entrepreneuriale », par la création de start-ups. Les grandes entreprises n’auront plus qu’à faire leur marché auprès des chercheurs dont elles sous-traitent l’intelligence et les connaissances pour effectuer leur R&D. Estimant qu’il faut lever les freins au rapprochement de la recherche publique et du secteur privé, le gouvernement a fait modifier le code de la recherche, avec la loi Pacte, votée en septembre dernier. Son article 41 a simplifié considérablement les règles encadrant l’implication de chercheurs dans la création et le développement d’entreprises tout en évacuant les questions déontologiques en particulier celle des conflits d’intérêts et de la qualité de la recherche. Mais le gouvernement veut aller plus loin dans la dérégulation du système de recherche, en instaurant le contrat de projet, le portage salarial, le recrutement de « stars » hors procédure de concours et bénéficiant de salaires personnalisés, en liant encore plus les laboratoires publics aux stratégies des grandes entreprises.
Pour ce faire trois commissions vont être constituées dès février :
- Financements des projets scientifiques les plus ambitieux et novateurs
- Attractivité et compétitivité des carrières scientifiques
- Développement de la recherche partenariale entre public et privé.
Elles seront composées de dirigeants, de personnalités triées sur le volet : parlementaires, scientifiques, dirigeants d’organisme, présidents d’université et industriels. Des étrangers en feront partie mais aucun représentant élu de la communauté scientifique !
Ces cénacles devront rendre leurs copies en juillet qui constitueront la base de la loi de programmation discutée au parlement en 2020 pour être mise en application en 2021.
Les personnels sont en souffrance dans les laboratoires du fait du manque de moyens, de la compétition permanente pour récolter des financements, de la précarité. Tout cela pour des rémunérations et des carrières qui expriment le mépris du gouvernement envers nos professions et nos qualifications. De cela, Mme Vidal et le gouvernement n’en n’ont cure.
Il faut que cela change !
« Nous ne devons rien nous interdire » dit la Ministre. Eh bien, justement, personnels des laboratoires et des services, manifestez-vous, exprimez vos doléances et vos revendications dans les réunions de laboratoire, de service et en assemblées générales !
Les acteurs de la recherche c’est vous !
Villejuif, le 5 février 2019