Pendant la mobilisation contre la loi ORE et la sélection, le ministère préparait la modification des arrêtés « Licence » et « Cadre national des formations ». Attendant sagement que les principaux concernés (étudiant·es et personnels) soient en congés, les projets ont été dévoilés fin juin pour une parution dans le JO du 7 août, et application au plus tard à la rentrée 2019…
Rappelons qu’une Licence correspond à 180 crédits européens capitalisables (ECTS) sur 3 ans. Le projet marque une aggravation sensible sur de nombreux points des arrêtés précédents, pourtant déjà largement dégradés depuis le passage au système LMD (Licence Master Doctorat).
Éclatement des 1500 heures minimum
Alors que dans le texte précédent « la formation représente un volume d’au moins 1500 heures d’enseignement », le nouveau prévoit (art. 8) : la formation représente « au minimum l’équivalent de 1500 heures d’enseignement et d’encadrement pédagogique », dont des cours en présentiel, à distance, des « mises en situation professionnelle » (stages), des projets… C’est donc l’éclatement complet des 1500 heures de cours minimum. Les budgets sont insuffisants, il manque des centaines de milliers de places dans le Supérieur : ne doutons pas que des établissements vont se ruer sur cette opportunité légale pour réduire les coûts en diminuant l’encadrement des étudiant·es ! Au détriment de celles et ceux que le gouvernement affiche vouloir aider :les plus en difficulté… Déjà dans une fac de banlieue : peut-on appeler « TP » un cours d’informatique avec un prof sur 2 salles prévues chacune pour 20 étudiant·es et en contenant 50 ?
À l’autre bord, certaines universités vont mettre en avant des filières sélectives bien au-delà des 1500 heures : par exemple, les « Nouveaux Cursus Universitaires » sont dotés de plusieurs millions d’euros pour expérimenter de nouvelles pédagogies, mais ciblés uniquement pour certaines formations de certains établissements !
Et évidemment, derrière, le service statutaire d’enseignement est visé.
Contrat pédagogique et blocs de compétences
La logique des « blocs de connaissances et compétences » et des parcours individuels s’accroît, au détriment de la cohérence des formations. Conformément à la loi ORE, un « contrat pédagogique » est conclu entre l’établissement et chaque étudiant·e, définissant notamment le « rythme de formation » (2, 3 ou 4 ans…) et les « dispositifs personnalisés ». Une « direction d’études » est créée pour le suivi des contrats, et chaque établissement définit ses « modalités d’organisation », accroissant d’autant leur autonomie.
L’objectif affiché de ce contrat qui « est dépourvu de portée juridique » (sic) est de « concilier le caractère national du diplôme » et le
« parcours personnalisé » (art. 5), qui remplace le « parcours type » de l’ancien texte. Là est le cœur du projet : individualiser la licence, qu’elle soit différente par étudiant·e et par établissement.
Parcours personnalisé contre le diplôme national
Le gouvernement est en effet obligé de répéter 5 fois dans le texte (art. 1, 7, 13 et 17) que le diplôme reste national. Par exemple : « cette adaptation doit garantir qu’un même diplôme conduise à un niveau équivalent de connaissances et compétences » (art. 13). Il montre par là-même que le caractère national du diplôme est justement menacé par ce nouveau dispositif, qui dérégule la Licence. Derrière, c’est tout le système des qualifications, des grilles, dans le privé comme dans le public, qui est visé.
Retrait des arrêtés Licence et Cadre national des formations !
Constatant les régressions des projets, les organisations CGT, FSU, FO, SUD, PE et UNEF ont fait une déclaration commune qui demande notamment « le retrait du projet actuel ». Personnels et étudiants vont découvrir le texte en septembre : la rentrée risque d’être chargée !