Comme la loi le prévoit [1], il revient à chaque département de mettre en place l’accueil provisoire d’urgence de toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, période durant laquelle le département doit évaluer la minorité et la situation d’isolement, puis notifier une décision d’admission ou de non-admission au bénéfice de l’aide sociale à l’enfance.
La mise à l’abri et l’évaluation sociale dans l’Hérault, durent en moyenne de sept à neuf mois, pendant lesquels les jeunes sont hébergé.e.s à l’hôtel avec un suivi éducatif indigent. En effet, après l’évaluation sociale, et quelles qu’en soient les conclusions, est mis en œuvre un contrôle des documents d’identité qui prend beaucoup de temps. Après ces différents contrôles, le parquet demande le plus souvent des examens osseux, pratiqués dans des conditions extrêmement contestables au regard de la loi. En effet, l’article 388 prévoit que les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge doivent être faits : « en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable ». Or, la plupart des jeunes ont des documents d’identité prouvant leur minorité mais les résultats des tests semblent toujours prévaloir. De plus, la marge d’erreur de dix-huit mois habituellement admise par le corps médical n’est pas prise en compte alors qu’il est prévu à l’article 388 du code civil que : « les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé. »
Enfin, des médecins procèdent encore parfois à des examens intrusifs, demandant aux enfants de se dénuder pour examiner leurs parties génitales ce qui est interdit par ce même article [2].
Les jeunes suspecté.e.s de fraude sont arrêté.e.s à leur domicile par la police, dès six heures du matin. Ils et elles doivent choisir entre comparaître immédiatement devant un.e juge avec un.e avocat.e commis.e d’office ou demander à ce que l’audience soit reportée en étant placé.e.s en détention provisoire jusqu’au procès. Ils et elles sont jugé.e.s pour les délits de faux et usage de faux ainsi que pour escroquerie à l’aide sociale.
Depuis un an, plus d’une trentaine de mineur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s ont été condamné.e.s à des peines de prison ferme de trois à six mois, accusé.e.s d’avoir utilisé de faux documents d’identité en vue de bénéficier de la protection de l’aide sociale à l’enfance. Ces peines sont assorties de trois à cinq ans d’interdiction du territoire français. A titre d’exemple, un jeune a été condamné le mercredi 13 juin à quatre mois fermes, cinq ans d’interdiction de séjour et à verser 92.000 euros au département en remboursement du coût de sa mise à l’abri, celui se portant systématiquement partie civile lors du procès.
Lorsque ces jeunes sortent de prison, ils et elles sont envoyé.e.s en centre de rétention. Certain.e.s sont expulsé.e.s, d’autres sont parfois relâché.e.s par le ou la juge des libertés et de la détention lorsque celui-ci ou celle-ci considère qu’il y a finalement un doute sur leur majorité.
Mais ils et elles sont alors à la rue, sans possibilité de bénéficier d’une quelconque autre prise en charge. Considéré.e.s comme majeur.e.s par le département, ils et elles sont pourtant toujours des mineur.e.s pour l’ensemble des autres acteurs sociaux au vu de leurs documents d’état-civil. Ils et elles sont donc exclu.e.s à la fois du dispositif de protection prévu pour les mineur.e.s mais aussi de celui prévu pour les majeur.e.s, le Samu social refusant d’héberger des mineur.e.s.
A la maltraitance et l’acharnement que subissent ces jeunes, s’ajoute l’intimidation policière envers les militant.e.s qui les aident, notamment lors des descentes de police à domicile au petit matin.
Les poursuites pénales à l’égard de jeunes isolé.e.s dont la minorité est contestée étaient devenues systématiques dans le département du Rhône jusqu’à ce que la cour d’appel de Lyon ne mette un terme à ces pratiques en annulant toutes les condamnations. Ces poursuites, qui s’intensifient dans d’autres départements tels que la Haute-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques ou l’Yonne sont symptomatiques d’une politique de dissuasion qui vise à limiter le nombre des mineur.e.s isolé.e.s à prendre en charge au titre de la protection de l’enfance .
Nous demandons que les pouvoirs publics respectent leurs engagements nationaux et internationaux dans une logique de protection des enfants, et non d’exclusion et de dissuasion.
Paris, le 17 juillet 2018