Créés en 2013 avec la loi de refondation de Peillon, les Campus des Métiers et des Qualifications (CMQ) sont aujourd’hui au nombre de 78 sur l’ensemble du territoire.
Alors qu’un premier bilan des CMQ, daté de juillet 2017, plus que mitigé sur leur utilité vient d’être rendu public, le Ministre décide de les mettre au cœur de la réforme.
Souvent méconnus des élèves et des enseignant·es, ils sont pourtant pressentis pour devenir des « Harvard » de la voie pro.
Simple label au départ, les CMQ sont appelés à devenir de véritables « lieux incarnés » à l’image des campus universitaires, avec une mise en réseau de l’ensemble des acteurs de la formation pro et du monde économique autour d’un même champ professionnel, des lieux de culture et de pratiques sportives.
A la lumière de ce qui se passe aujourd’hui dans les universités, on se rend vite compte que c’est une fausse bonne idée !
Le critère essentiel du campus c’est la mixité des parcours et des publics. Poursuivant la logique de dérégulation, il s’agit de regrouper des élèves, des apprenti.es, des stagiaires de la formation continue qui suivront des parcours individualisés avec des allers-retours entre formation et activité salariée. Le premier effet sera d’exacerber la concurrence entre l’ensemble des organismes de formation et conduira au décloisonnement entre formation initiale et formation continue. Couplée à la généralisation de la notion de compétences, avec la délivrance de certificats attestant de blocs de compétence, cela aboutira aussi à la destruction des diplômes et la fin de la reconnaissance des qualifications.
En renforçant les partenariats avec les entreprises locales et les branches professionnelles qui vont désormais être prépondérantes dans la conception des diplômes et la mise en place de la carte des formations, cela permettra la mise en adéquation des formations avec les emplois locaux et sonnera le glas des qualifications reconnues sur le plan national par tous.
Quelle place sera donnée demain à la formation initiale et à un premier niveau de qualification dans ces conditions ?
La mixité des parcours servira avant tout au renforcement de l’apprentissage. Dans cet esprit, les LP serviront d’antichambre à l’apprentissage pour préparer les élèves à intégrer l’entreprise, où ils devront être productifs·ves alors qu’ils sont en formation, et de « filet de sécurité » puisqu’ils pourront y revenir en cas d’échec ou de rupture de contrat.
Cela accentuera la mise en concurrence entre les LP et les CFA et débouchera sur un mixage des publics qui dégradera encore davantage les conditions d’études des élèves et des apprenti.es et de travail des personnels en remettant en cause le statut des enseignants par une annualisation inévitable.
Demain, une voie pro à deux vitesses.
Les « Harvard du pro » conduiront à une polarisation de la voie pro. Il y aura d’un côté les LP dans les campus adossés aux pôles de compétitivité régionaux, bénéficiant des financements et du soutien des entreprises, présentés comme la voie de l’excellence et de l’autre les LP des zones rurales ou des quartiers populaires, qui perdureront tant bien que mal pour accueillir toute une partie des élèves non-inscrit.es dans un campus, et maintenus pour assurer la paix sociale.
Le renforcement des CMQ est la dernière pierre à l’édifice du tri social et de la sélection déjà mis en place par la réforme du lycée général et technologique et la loi ORE. Combinés aux autres annonces de cette réforme, les objectifs assignés à l’enseignement professionnel sous statut scolaire seront bien l’insertion professionnelle à court terme en dispensant des formations adaptées aux besoins des employeurs dans une région et à un moment donné, rompant ainsi avec le projet républicain de l’Ecole que nous portons de former aussi des citoyen·nes émancipé·es et acteur.rices de leur avenir tant professionnel que personnel.