Les réformes de la formation professionnelle se succèdent au rythme des élections présidentielles, sans que les précédentes aient pu être évaluées, ni même complètement mises en œuvre.
Pour Macron, « le système de formation … n’est pas à la hauteur des enjeux de notre temps et des attentes de nos citoyens » et il « doit être entièrement réformé ».
La ministre du Travail parle de simplification et libéralise dans les faits la formation professionnelle en mettant en place un chèque formation de 500 euros par an plafonné sur 10 ans à 5000 euros.
Chacun·e sera encouragé à consommer de la formation comme un bien de consommation ordinaire. Encore faudra-t-il le financer : il faudra 10 ans de droits pour accéder à un CAP fleuriste, 15 ans pour une formation d’ambulancier·e et 48 ans pour une formation jusque-là accessible par un CIF… chacun·e comprend aisément qu’il faudra désormais payer, s’endetter pour se former.
Pour justifier leurs choix idéologiques, Macron et Penicaud s’appuient sur les contre-vérités régulièrement assénées par des médias zélés relayant les dogmes de l’OCDE.
Pour les libéraux·ales au pouvoir en Europe, il n’est pas acceptable qu’une part du salaire soit socialisée pour financer un système de protection sociale basé sur des principes de mutualisation et de solidarité, échappant ainsi au secteur marchand.
Pour elles·eux, la formation professionnelle, élément structurant de la sécurité sociale des personnes, ne peut, ne doit pas échapper au « marché » de la protection sociale.
Le capital a besoin de la structurer dans un cadre concurrentiel afin d’organiser « l’insécurité sociale professionnelle » et entretenir un rapport de force qui lui soit profitable.
C’est malheureusement cohérent avec ses objectifs généraux en matière de politique de protection sociale : renvoyer sur l’individu la responsabilité de son « employabilité », comme de sa santé, de sa retraite, de son assurance chômage…
Cette stratégie vise à baisser ce que le patronat appelle le « coût du travail ».
Par ailleurs, le Gouvernement a clairement décidé une réforme de l’apprentissage avec une gestion du système par les seules branches professionnelles. La menace est grande car on se dirige vers une sorte de privatisation totale de l’apprentissage, hors du champ de la formation initiale professionnelle et sans pilotage public.
Cette réforme menace toute la formation professionnelle initiale, y compris la voie scolaire (lycées professionnels, technologiques) et universitaire.
Des mesures très graves contre les apprenti·es sont aussi à craindre avec la privation de l’accès aux prud’hommes, l’allongement du temps de travail et la déréglementation du droit en matière de santé et de sécurité.
Pour la CGT, ces annonces sont inacceptables et contraires à ses revendications.
Disparition du CIF, CPF pour tout le monde : danger pour les salarié·es et demandeur·euses d’emploi
Avec cette réforme de la formation professionnelle, une fois de plus, le gouvernement montre son mépris envers les négociations qu’il a menées !
Sous prétexte de rendre plus lisible l’offre de formation, on va rendre responsable tout·e actif·ve de la gestion de sa carrière professionnelle.
En effet, les obligations des entreprises de former leurs salarié·es et de cotiser pour cela est progressivement en train de disparaître.
En effet les entreprises ne veulent plus parler de cotisations mais de charges dont elles veulent se débarrasser sous prétexte de compétitivité.
De plus, le patronat voulant une main-d’œuvre corvéable à merci interviendra dans le contenu des formations professionnelles, abandonnant les titres et les diplômes qui font référence aux classifications et rémunérations des conventions collectives, en privilégiant des blocs de compétences, privant ainsi la personne formée de tout repère collectif.
À terme, c’est même la fin de toute référence à un salaire minimum…
Le nombre d’heures dont disposait la personne pour son Compte Personnel de Formation (CPF) est monétarisé et plafonné. (500 €/an plafonné à 5000 € et pour les non qualifiés 800 €/an plafonné à
8000 €).
Non seulement y est inclus le Congé Individuel de Formation (CIF), qui disparait en tant que tel, mais cela implique à terme, que les personnes voulant des formations plus ou moins longues devront mettre la main à la poche ou se contenter de l’aumône qui leur est faite et/ou attendre 10 ans pour atteindre le plafond.
Sélection des formations par le fric, c’est pour la FERC inadmissible !
Le CIF, était le seul dispositif dont pouvait disposer un·e salarié·e à sa seule initiative. Il pouvait être mobilisé sans le consentement de l’employeur·e, et ainsi permettre au·à la salarié·e :
- soit d’améliorer par la formation ses compétences qu’il pourrait ainsi faire valoriser au sein de son entreprise ou dans une autre, grâce à la reconnaissance du titre ou du diplôme qu’il aura obtenu,
- soit changer d’orientation professionnelle en acquérant ainsi la qualification pour exercer un autre métier.
Le CIF permettait ainsi au·à la salarié·e de monter en compétences et d’accéder ainsi à des rémunérations plus en adéquation avec ses aspirations et ses besoins. Ce dispositif permettait au·à la salarié·e de revenir après sa formation au sein de son entreprise sans perte de salaire ou avantages liés à son emploi. Sa disparition, remet en cause la possibilité, pour le·la salarié·e, comme pour le·la demandeur·euse d’emploi avec le CIF portable de pouvoir bénéficier de formations sur de longues durées qui ne rapportent pas directement aux entreprises ! Car c’est bien là que veut nous emmener le patronat, en rendant la formation immédiatement rentable et à moindre frais pour elle ; en rendant « responsable » et donc coupable la·le salarié·e qui ne se sera pas lui-même formé pour rester compétitif ! Avec comme conséquence : les plus riches se formeront toujours mieux que les plus pauvres ! Belle avancée sociale !
La FERC continuera à défendre les droits des salarié.es et des demandeur·euses d’emploi pour une formation professionnelle sécurisée tout au long de la vie.
Avec le tout apprentissage : en route vers la marchandisation de la formation professionnelle
L’apprentissage ne sera plus piloté par les Régions mais par les branches professionnelles. Il sera régulé par le marché. Allons-nous tout droit vers sa privatisation ?
Dans ces conditions l’apprentissage va plus servir les entreprises que les apprenti·es. Le patronat et surtout le MEDEF ont eu ce qu’ils réclamaient depuis des années. Les branches pourront aussi intervenir dans l’élaboration du contenu des formations, pourront intervenir sur les ouvertures ou les fermetures de formations.
Comme les CFA vont être rémunérés au contrat, comme les régions vont perdre 51 % de la taxe d’apprentissage, les conséquences sur les inégalités territoriales risquent de s’amplifier car les CFA les plus petits ou les plus fragiles risquent de fermer. Ils ne bénéficieront plus des investissements des régions.
La Région ne pourra plus exercer de régulation. Les personnels des lycées professionnels et des CFA seront précarisés.
L’apprentissage, comme les autres cursus, doit rester un service public de l’éducation. Dans le cas contraire il ne serait plus accessible à toutes et tous. Une dérive extrêmement inquiétante qui risque de voir le développement de formation en simple adéquation avec le marché de l’emploi local.
Le danger c’est aussi la disparition des diplômes et des titres au profit de blocs de compétences qui seront déconnectés des salaires de référence et des grilles de classification.
L’apprentissage jusqu’à 30 ans, c’est payé au smic des adultes qui pourront déjà avoir un haut niveau de qualification et être opérationnels sur la quasi-totalité de leur emploi. Les 30€ d’augmentation prévus ne suffiront pas à régler un double hébergement, la restauration, les frais de transport pour les plus jeunes, alors que leur patron·ne touchera des aides ou bénéficiera d’exonérations qui rembourseront tout ou une grande partie de leurs salaires. Pour le même prix, des apprenti·es dans certains secteurs pourront même travailler jusqu’à 40h.
Ainsi un jeune de 16 ans pourrait faire la plonge jusqu’à minuit dans une pizzeria : chacun s’accorde à reconnaître que c’est très formateur !
En compensation de toutes ces régressions, une augmentation de 30€ par mois, soit 717€ de rémunération mensuelle et une prime de 500€ pour passer le permis de conduire… Le contrat d’apprentissage pourra également être rompu pour faute grave ou inaptitude sans passer par les prud’hommes ! Belle avancée sociale !
La formation et la rémunération des tuteurs·trices seraient pris sur les fonds de l’alternance, ce qui ne reviendrait encore à rien à l’entreprise.
Avec la suppression du passage aux prud’hommes pour la rupture du contrat d’un·e apprenti·e, c’est la garantie que certains employeur·es abuseront de ces ruptures…
A ce tableau s’ajoute la main mise unilatérale du patronat sur la définition des référentiels d’activités professionnelles.
Cette disposition risque d’affaiblir considérablement les diplômes pour les transformer en Certificats de Qualification Professionnelle (CQP) : c’est la volonté patronale de ne plus sanctionner systématiquement la formation initiale par un diplôme et ainsi généraliser des périodes courtes d’acquisitions de blocs de compétences n’aboutissant pas à une reconnaissance de qualification.
Bref, ce ne sont ni les besoins des jeunes et de leurs familles, ni les besoins de l’économie nationale en termes d’élévation des niveaux de qualification qui sont mis en avant.
Les campagnes idéologiques successives font de l’apprentissage la solution miracle pour lutter contre le chômage…
Mais la formation ne crée pas l’emploi ! La réforme tend à vouloir faire de l’apprenti·e un pion et non plus un·e jeune en formation…
Notre appréciation des mesures gouvernementales sur l’apprentissage est donc très critique car on acte non seulement la sortie de l’apprentissage de la formation initiale, mais aussi l’ensemble de la formation sous statut scolaire et universitaire, et l’on s’oriente vers la marchandisation de la formation.
Réforme de la formation professionnelle : la formation initiale remise en cause…
Les rapports Brunet et Calvez-Marcon portant respectivement sur l’apprentissage et la voie professionnelle du lycée complètent les réformes interprofessionnelles et posent des pistes d’une dérégulation majeure de la formation initiale professionnelle.
Les choses ne sont pas encore arrêtées mais le rapport Calvez-Marcon donne les grands axes de la future réforme de la voie professionnelle sous statut scolaire. Celui-ci comprend deux axes principaux d’attaques de la voie professionnelle : le développement de l’apprentissage en concurrence avec le scolaire et la substitution des diplômes par les blocs de compétences.
Le développement de la mixité des parcours et des publics transforme la formation initiale sous statut scolaire en antichambre de l’apprentissage car les élèves pourront changer de mode de formation à la fin de la seconde et de la première… Traduction : les meilleurs élèves (comprendre les garçons blancs n’habitant pas en banlieue…) iront en apprentissage quand les autres resteront dans la voie scolaire ! Pire, le rapport Brunet affirme que les CFA pourront ouvrir des formations sans accord de la Région ce qui va accroître les logiques de concurrence. Entre-t-on dans une véritable ère de la libéralisation de la formation initiale professionnelle ?
Du côté des enseignant·es de lycée professionnel, le développement de l’apprentissage aboutira nécessairement à terme à une remise en cause de leur statut, l’annualisation du temps de travail deviendra incontournable pour s’adapter aux rythmes différents de formation des scolaires et des apprenti·es.
La proposition de suppression du diplôme intermédiaire dit « BEP rénové » et son remplacement par l’acquisition de blocs de compétences est une ligne rouge. Elle va accentuer les sorties sans diplôme et exposer les élèves à une individualisation de leurs rémunérations et conditions de travail en tant que salarié·es.
On retrouve la même logique dans le découpage du bac pro en blocs de compétences…
Enfin, le grand silence du rapport porte sur les poursuites d’étude. À part la réaffirmation de principe d’une voie professionnelle du lycée tournée vers l’insertion professionnelle et les poursuites d’études, aucune proposition sérieuse n’est avancée…
Nous défendons la mise en place de parcours adaptés aux besoins des élèves et des spécialités, qui peut notamment passer par la création de classes passerelles vers le BTS. C’est un enjeu majeur notamment pour les spécialités tertiaires « service aux entreprises » où le niveau d’insertion professionnelle se situe plus au niveau BTS qu’au niveau bac.
La libéralisation de la formation professionnelle est en marche. Le « big bang » promis par le gouvernement doit être mis en échec par les salarié·es. L’effacement des frontières entre formations initiale et continue, la substitution progressive des diplômes nationaux par les blocs de compétences sont deux leviers contre notre projet de société : celui d’une scolarité obligatoire pour tous et toutes jusqu’à 18 ans débouchant sur l’acquisition de diplômes nationaux.
La formation initiale ne doit pas être mise au service du patronat.
La FERC-CGT à l’offensive !Pour la CGT, au contraire, une nouvelle réforme n’a de sens que si elle est construite pour répondre aux besoins des personnes dans leur diversité.
Pour répondre à ces besoins, des droits doivent exister et être financés pour offrir à chacun·e des possibilités d’accès à la formation de trois types :
- des formations relativement courtes, répondant à l’obligation de l’employeur·e d’adaptation au poste et de maintien dans l’emploi,
- des formations, de durée moyenne, permettant le développement des compétences professionnelles et l’accès à une qualification,
- des formations longues permettant une évolution professionnelle significative ou une reconversion professionnelle, à l’initiative exclusive du·de la salarié·e, dans le cadre d’un congé garantissant la prise en charge du coût de la formation et le maintien de la rémunération. C’est le renforcement du congé individuel de formation.
Pour mener à bien ces parcours de formation, il faut que les personnes bénéficient d’un accompagnement universel, de proximité et gratuit, à partir du dispositif existant du conseil en évolution professionnelle organisé, comme les organismes de formation sur les bases d’un service public. L’AFPA, le CNAM et les GRETA doivent avoir un rôle à jouer en matière d’orientation et d’accompagnement et de parcours de formation qualifiante.
La FERC-CGT