Dossier – Orientation, gardons le cap !

Les questions d’orientation et de parcours professionnel ont fait l’objet de plusieurs textes du gouvernement. De Parcoursup aux modifications de fonctionnement des universités, en passant par la réforme de la voie professionnelle et la loi sur la formation professionnelle, une seule logique : sélection et ségrégation tout au long de la vie.

Bref, nous sommes loin, dans les projets du gouvernement, du droit à l’éducation permanente pour une formation émancipatrice tout au long de la vie que la CGT revendique !

Le gouvernement essaye d’instaurer et organiser une crise de la régulation sociale. Les familles d’enfants scolarisés sont prises dans le piège d’une déconnexion entre deux contraintes : la contrainte scolaire et la contrainte professionnelle. Cela est mis en évidence avec la remise en cause des diplômes, qualifications et certifications, au profit de blocs de compétences. L’école agite l’impératif de l’obtention du diplôme comme argument de légitimation car ceux-ci sont devenus indispensables du fait de l’extrême compétition à l’embauche, tout en étant insuffisants. Le gouvernement et le MEDEF règlent la question en faisant disparaître le diplôme et en reliant directement les salarié·es avec l’emploi occupé, obligeant celles·ceux-ci, pour conserver leur emploi, à une hyperproductivité, par la soumission à la hiérarchie et/ou l’acceptation de conditions de travail difficiles avec des accords en deçà des conventions collectives.

Ce piège est évidemment d’abord tendu aux plus défavorisé·es.
Les ingrédients de la crise de l’école sont ainsi réunis : une spirale d’anxiété, très inégale selon les territoires, et que Parcoursup n’a fait qu’accentuer, lie le déclassement social à l’échec scolaire et renforce la pression à la réussite scolaire.

La FERC-CGT considère que ce piège peut être évité et que l’émancipation tout au long de la vie peut être gagnée !

SPRO contre orientation

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a instauré le service public régional d’orientation (SPRO) dans une volonté de régionaliser ces services et les personnels en dépendant. Cela s’est accompagné de la création du Conseil en évolution professionnelle (CEP) et du Compte personnel de formation (CPF). Aucun budget n’était prévu pour le CEP, les droits au CPF étaient notoirement insuffisants pour répondre aux besoins de financement, le SPRO n’était qu’une vision rabougrie du service public ayant pour objectif la seule coordination des acteurs qui, à terme, pourraient être n’importe quel organisme privé ayant obtenu son habilitation par la Région. La.le salarié.e comme la.le privé.e d’emploi devient responsable de la construction de sa qualification ou plutôt de son « employabilité ». Elle.il est donc sommé d’accepter des emplois dégradés en terme de reconnaissance de qualifications, de salaires, de temps et de conditions de travail, de possibilité d’évolution et de précarité, ceux que d’autres qualifient d’emplois « en tension ».

C’est l’ère du projet réaliste et réalisable, cohérent et accessible, de l’offre raisonnable d’emploi, de l’employabilité immédiate qui n’ont pas laissé de place à la réponse aux souhaits des chômeuses et chômeurs en termes d’évolution professionnelle avec des parcours de formation élaborés sur plusieurs années.

Vers la mort des CIO

Les personnels des Centres d’Information et d’Orientation (CIO) et les Délégations Régionales de l’Office National d’Information sur les Enseignements et les Professions (DRONISEP) sont en lutte pour défendre leurs métiers et missions.

En effet, le gouvernement a décidé, dans la poursuite des réformes du lycée, de la formation professionnelle et de l’Enseignement supérieur, de supprimer les CIO via la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Au prétexte que l’information professionnelle ne serait plus de la compétence de l’Éducation Nationale, mais de celles des Régions, les personnels des DRONISEP leur seront transférés et les PsyEN réintégrés en établissements scolaires. C’est la poursuite de la volonté de régionaliser ces services et les personnels en dépendant, déjà engagée lors de la réforme du SPRO,

La volonté est de restreindre les champs d’intervention des personnels. Pourtant le rôle des CIO est plus que la seule information : lutte contre l’échec scolaire et le décrochage, accompagnement de la persévérance scolaire et des parcours d’élèves à besoins éducatifs particuliers (jeunes arrivant de l’étranger, porteurs de handicap, intellectuellement précoces, …), cellules d’écoute lors des situations de gestion de crise, lutte contre le harcèlement, toutes les formes de discriminations et d’inégalités de parcours scolaires, accompagnement des projets de formation initiale, etc.

Ne nous leurrons pas : il s’agit d’un véritable cadeau aux Régions, qui, malgré la perte du pilotage de l’apprentissage au profit des branches, pourront promouvoir les formations qu’elles souhaitent… en lien avec le patronat local. Pour les usagers, c’est la fin du service d’État d’orientation, de l’égalité de traitement sur le territoire, de la qualité de l’information et de l’objectivité des propositions en fonction de leurs appétences.

Des algorithmes pour décider des affectations

Qu’ils s’appellent APB, AFFELNET et maintenant Parcoursup, ces outils de sélection et de tri des élèves ont pour point commun d’utiliser des algorithmes que les gouvernements ajustent selon leurs visées politiques.

Le résultat relève d’une fausse magie : l’anxiété des élèves et des parents est savamment orchestrée, les choix de quotas sont subtilement intégrés dans l’algorithme pour opérer le tri social recherché.

Ce mode d’orientation est donc bien une machine idéologique, aboutissement d’une politique réactionnaire de refus de la démocratisation scolaire, au service d’une école élitiste, bâtie sur la sélection et sur l’orientation précoce.

A l’ouverture de la plateforme début mai 2018, près de la moitié des lycéen·nes et des étudiant·es en attente d’orientation ou de réorientation n’avaient aucune réponse positive. Ceci en toute opacité car les élèves, leurs familles et leurs enseignant·es n’ont pas accès aux critères de l’algorithme.

Et qui dit discrimination dit bien entendu injustices : il a fallu remonter jusqu’à plusieurs décimales après la virgule (parfois sept) pour départager des lycéen·nes en fonction de leur moyenne.

Parcours professionnel

Dans l’absolu, la formation professionnelle offre des outils aux salarié·es et aux privé·es d’emploi pour se reconvertir ou pour retrouver un emploi. La réforme de la formation professionnelle casse ces outils.

La monétisation du compte personnel de formation (CPF) constitue l’escroquerie la plus flagrante de cette réforme. Le gouvernement réduit les droits des salarié·es, aussi bien ceux acquis que ceux à venir.

Aujourd’hui, les salarié·es ayant acquis 150 heures (avec les 120 heures antérieures du Droit Individuel à la Formation (DIF)) bénéficient d’un financement moyen de 5250 € à 6000 €, le taux de prise en charge moyen de l’heure de formation étant de 35 à 40 € alors que bon nombre d’OPCA acceptent une prise en charge jusqu’à plus de 50 € (certains à plus de 90 € !).

Au premier janvier 2019, ces mêmes 150 heures devraient être valorisées à hauteur de 14,28 € chacune, soit un montant global de 2142 € et une perte nette pour chaque bénéficiaire ayant 150 heures sur son compte oscillant entre 3858 € et 3108 €.

La fin du congé individuel de formation (CIF) est peut-être la disposition la plus préjudiciable aux salariés.
Le CIF est le seul moyen pour un·e salarié·e en activité de bénéficier d’une formation de son choix, à sa seule initiative, sur le temps de travail et rémunérée. Il pouvait ainsi être mobilisé sans le consentement de l’employeur. C’est le seul moyen pour accéder à une seconde chance pour une véritable reconversion ou un développement personnel permettant l’émancipation. Le gouvernement remplace le CIF par un « Projet de Transition Professionnelle » dont les formations accessibles ne sont pas les mêmes et doivent répondre aux besoins du marché et non des personnes. La rémunération des stagiaires n’est pas prise en charge obligatoirement.
La nouvelle définition de la formation participe également à cette stratégie adéquationiste. La loi limite la formation professionnelle aux actions « permettant d’atteindre un objectif professionnel », ce qui exclut par opposition toute action de formation qui n’aurait pas de finalité professionnelle et donc de rentabilité immédiate pour l’entreprise.

Orientation, émancipation et employabilité

Avec cette déclaration, la ministre du travail ne fait que reprendre la maxime du gouvernement et d’Emmanuel Macron autour de l’employabilité et de l’adaptation permanente du monde du travail et des salarié·es aux besoins patronaux. Ce n’est qu’ainsi, selon cette maxime, que l’on peut trouver un emploi. Pour ce faire, il leur faut bien entendu casser tout ce qui ressemble à une norme et peut protéger les salarié·es. En termes d’orientation et de parcours professionnel, cela revient à donner le mirage de la liberté : ce discours du travail émancipateur fait de nous les seuls responsables de nos réussites et de nos échecs.

Pour la CGT, si émancipation il y a, c’est celle des salarié·es, c’est l’émancipation du travail, c’est la sécurité sociale professionnelle.
Dans cette logique, à l’opposé d’une individualisation des formations et des diplômes par blocs de compétences, la FERC CGT défend la mise en place de véritables passerelles permettant la fluidité des parcours.
Ainsi, pour un jeune en formation, le droit de « prendre son temps » doit être reconnu. Il faut penser l’université dans l’ensemble des formations supérieures. Pour permettre ce droit au choix, il faut des moyens pour ouvrir les places nécessaires en BTS, IUT, Licence …

Pour la FERC CGT, l’École et l’Université doivent contribuer à la construction des connaissances, constituer un lieu où tous les élèves et étudiant·es peuvent s’approprier les savoirs, acquérir un esprit critique et accéder à la culture. Ainsi, elles contribueront à l’émancipation de toutes et tous.

L’orientation de chacun·e doit être choisie et non imposée (par la restriction de places ou une réponse aux besoins du patronat local). Pour accompagner chaque jeune, les missions et métiers des personnels d’orientation de l’Éducation Nationale doivent être renforcés sans lien de subordination avec les Régions.

La CGT revendique

Un droit à l’éducation permanente pour une formation émancipatrice tout au long de la vie et s’oppose donc au projet de Macron est d’individualiser les réussites et les échecs des personnes, de casser tout cadre collectif.

La formation doit répondre aux besoins des personnes et leur permettre des réorientations tout au long de leur parcours professionnel (soit pour une adaptation à un poste ou un maintien dans l’emploi ; soit pour l’acquisition de nouvelles compétences professionnelles et donc l’accès à une qualification supérieure, soit, enfin, pour une évolution professionnelle significative ou une reconversion professionnelle).

Pour mener à bien ces parcours de formation, il faut que les personnes bénéficient d’un accompagnement universel, de proximité et gratuit, sur les bases d’un service public. L’AFPA, le CNAM et les GRETA doivent avoir un rôle à jouer en matière d’orientation et d’accompagnement et de parcours de formation qualifiante.

FERC

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