Réforme du lycée : les annonces de Blanquer

Le ministre a reçu notre organisation mardi 13 février pour l’informer d’une partie de ses arbitrages sur la réforme du lycée avant de la présenter en conseil des ministres puis à la presse le 14 février.

Lire la publication ICI (si le doc ne s’ouvre pas regardez dans les téléchargements)

En préalable, le ministre n’a annoncé que les grandes lignes. Un temps de « concertation » sur la mise en œuvre technique aura lieu en mars-avril. De nombreuses questions demeurent donc sans réponse.

Présentation de la réforme

L’organisation de l’année.

Les années demeureront découpées en trimestre (sauf décision des établissements de découper en semestre, comme cela est déjà possible), sans modification des disciplines des élèves en cours d’année.

La seconde générale et technologique.

Pour la rentrée 2018, aucun changement si ce n’est, comme annoncé lors de l’audience précédente, le ciblage de l’AP sur l’orientation et la maitrise écrite et orale du français, un test de positionnement en début d’année scolaire en français et en maths, 54 h annuelles d’aide à l’orientation vers la 1ère. Pour la rentrée 2019, a priori, peu de changements mais sans doute une réflexion sur les enseignements d’exploration.

La voie générale.
  •   Un tronc commun pour l’ensemble des élèves en 1ère et en terminale (que le ministre envisage de renommer classe de maturité). En 1ère, 16 h : Français 4 h, Histoire-Géographie 3 h et EMC ½ h, LV1 et LV2 4 h 30, EPS 2h, Humanités numériques et scientifiques 2 h. Ce dernier enseignement serait dédié à la culture scientifique et numérique (codage notamment) et assuré par un·e ou deux enseignant·es de disciplines scientifiques. En Terminale, 15 h 30 : Français 4 h, Histoire-Géographie 3 h et EMC ½ h, LV1 et LV2 4 h, EPS 2 h, Humanités numériques et scientifiques 2 h.

 

  • Des enseignements de spécialité : Mathématiques, Sciences physiques-chimie, Écologie agronomie et territoires, SES, Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, Humanités littérature et philosophie, langues et littératures étrangères, Arts, Sciences de l’ingénieur, numérique et sciences informatiques. Les sciences de l’ingénieur seraient également intégrées aux STI2D (voir plus loin sur la voie technologique) avec un horaire spécial. Les élèves devraient choisir 3 spécialités en 1ère, avec 3 fois 4 h. Ils et elles n’en conserveraient que 2 sur les 3 en terminale, pour deux fois 6 h.Rien n’est dit dans le dossier de presse, mais, d’après les propos de Blanquer, le choix des spécialités en fin de seconde dépendra de l’avis du/de la proviseur·e après consultation du conseil de classe. Les changements de spécialités entre 1ère et terminale seraient possibles (à la marge selon les propos du ministre lors de l’audience). Pour le moment, les modalités d’association des doublettes (et triplettes en 1ère) de spécialités ne sont pas officielles. D’après les propos de Blanquer, les doublettes possibles seraient fixées nationalement. Chaque lycée pourrait proposer une doublette spécifique, 2 pour les lycées les plus défavorisés.

 

  • Enseignement(s) optionnel(s) de 3 h : Un seul possible en 1ère, parmi langues et cultures de l’antiquité, EPS, LV3, arts. Plus une deuxième option possible en terminale parmi 3 options uniquement offertes en terminale, en complément des 2 spécialités : Maths expert, maths compléments (pour celles et ceux qui prennent Physique-chimie/SVT par exemple), droits et grand enjeux du monde contemporain.

 

  • L’orientation, 1,5h hebdomadaire.
Le baccalauréat
  • 60% d’épreuves nationales. Oral et écrit de l’épreuve anticipée de français en fin de 1ère. Ces deux épreuves vont être prochainement refondées (Le ministre en audience évoque un oral préparé avec moins de textes pour éviter le bachotage, un écrit basé sur le résumé-discussion, mais sans décision officielle). 2 écrits au printemps sur les deux enseignements de spécialité. L’épreuve écrite de philosophie fin juin.L’oral fin juin également : 10 minutes de présentation individuelle sur le projet de l’élève (projet basé sur l’une des spécialités ou les deux, préparé en groupe en 1ère et individuellement en terminale), 10 minutes d’échanges avec le jury de 3 personnes. Ce projet « permettant d’évaluer la capacité de l’élève à analyser en mobilisant les connaissances acquises au cours de sa scolarité, notamment scientifiques et historiques ».

 

  •  40% de contrôle continu sur le tronc commun et l’option. Pour 30%, il s’agira d’épreuves partielles en 1ère et terminale (à titre indicatif janvier et avril en 1ère, décembre en terminale mais les lycées seront libres de l’organisation) avec une banque nationale de sujets et copies anonymisées corrigées par les enseignant·es de l’établissement n’ayant pas l’élève (ou en réseau pour des lycées trop petits). Il y aurait une harmonisation (mais sous quelle forme ?). Pour 10% il s’agira de la prise en compte du bulletin.En LV1 et LV2, l’écrit sera évalué « selon les standards européens » dans le cadre des épreuves communes. L’oral sera apprécié « d’après les mêmes standards », à partir de février de l’année de terminale, « selon les dispositions actuelles ».Parallèlement, « la logique de certification a vocation à se développer, en direction d’abord des élèves qui suivent des cursus à dimension internationale (sections internationales, sections européennes, etc.) ou qui choisissent la spécialité Langues et littératures étrangères ». Rappelons que ces certifications, basées sur les compétences, sont aux mains d’officines privées… « Les enseignements en langues étrangères (disciplines non linguistiques) seront développés comme la mobilité des élèves ».Pas de note plancher (comme pour les options actuellement), pas de note éliminatoire, maintien des mentions et de l’oral de rattrapage.
 La voie technologique

Les séries technologiques sont conservées, « des ajustements seront apportés pour proposer un socle de culture commune articulé avec les enseignements de spécialité et l’aide à l’orientation » en plus  des changements à venir dans les programmes. Les STI2D intégreraient la spécialité sciences de l’ingénieur (en fusionnant avec le tronc commun des 4 spécialités ?). Le ministre dit réfléchir à un dispositif similaire, incluant une spécialité de la voie générale en STMG mais plus tard…

 Calendrier de mise en œuvre

    •  février 2018 : saisine du CSP sur les programmes du lycée
    • mars-avril : concertation technique sur les modalités de mise en œuvre
    • rentrée 2018 : des « ajustements indiquant l’esprit du nouveau baccalauréat » et des tests de positionnement en 2nde
    • décembre 2018 : publication des programmes
    • rentrée 2019 : choix de 3 disciplines de spécialité pour les élèves de 1re, introduction d’un contrôle continu, épreuves anticipées de français
    • 2020/2021 : mise en œuvre de la réforme en Tle et première session du nouveau baccalauréat

COMMENTAIRES

Nous nous doutions, au vu de la complexité de mise en œuvre des propositions Mathiot, que le ministre ne prendrait pas l’ensemble des propositions.

On peut dire, de ce point de vue, qu’il a intelligemment joué des réactions négatives provoquées par la publication du rapport.

La mise de côté de la semestrialisation et des dangers qu’elle ferait peser sur les obligations de service hebdomadaires coupe court au travail de mobilisation sur les conditions de travail.

Sur ce sujet, Blanquer nous a affirmé de pas vouloir mélanger les enjeux entre ORS et réforme du baccalauréat. En gros, si annualisation il y a, ce sera pour plus tard.

De même, l’avenir et la place de certaines disciplines demeurent assez flous. C’est le cas des disciplines absentes en tant que telles du tronc commun (SES, maths, physique, SVT) pour lesquelles les postes dépendront grandement des choix de spécialités des élèves. C’est aussi le cas de celles qui vont être intégrées dans des disciplines aux contours flous (humanités numériques et scientifiques, Écologie agronomie et territoires, place des sciences politiques…). Pour ces dernières, il est difficile d’y voir clair tant que les programmes ne sont pas annoncés.

Pour le global, les économies de postes peuvent être la conséquence d’une optimisation poussée des compositions de classe, avec le tronc commun d’un côté et une mise en barrette des enseignements de spécialité.

Nous avons demandé au ministre de donner sa politique de gestion des dédoublements. Il a refusé de répondre arguant que  la réflexion devait porter globalement sur les DGH, notamment en ce qui concerne la prise en compte du taux d’élèves issus de collèges REP et REP+.

 Ainsi, nous ne savons rien des dédoublements en 1ère et terminale. On peut tout de même voir poindre, dans les propos du ministre, la possibilité d’une marge horaire différenciée dans les lycées suivant les publics qui permettrait de dédoubler, ou non, en toute autonomie.

En tout état de cause, faute d’une réforme de la seconde à la rentrée, l’impact de la réforme sur les dotations risquent de n’être lisible qu’au moment de l’annonce des dotations fin 2018-début 2019.

 En revanche, la philosophie générale contenue dans le rapport demeure. Le ministre prétend mettre fin aux séries générales mais, de fait, la structure envisagée maintient globalement les séries scientifiques, littéraires et ES, dans les faits sinon officiellement, pire elle pousse à une spécialisation accrue en terminale.

Les doublettes de spécialités sont construites, comme l’étaient les majeures de Mathiot, pour permettre de répondre aux attendus de l’entrée dans le supérieur. C’est ainsi qu’il faut lire l’avancement des épreuves écrites les concernant, au printemps, afin qu’elles puissent être prises en compte dans les réponses sur Parcoursup.

Il s’agit donc bien, comme nous le disions pour le rapport Mathiot, d’un lycée bâti sur la sélection à l’entrée dans le supérieur et sur l’orientation précoce, le choix des spécialités en fin de seconde décidant de fait de la poursuite d’études, y compris en licence.

Le maintien tel quel des séries technologiques laisse planer le doute sur leur avenir, notamment en lien avec celui du lycée professionnel. Doit-on s’attendre à une grande réforme prenant en compte l’évolution du bac pro (en tertiaire notamment) ? Quoi qu’il en soit, le fait que ces séries demeurent inchangées alors que la voie générale est reconstruite pour répondre à la mise en place de la sélection à l’université, l’avenir des élèves de la voie technologique dans le supérieur semble se réduire aux IUT.

Enfin, la mise en œuvre de doublette d’établissements va renforcer la mise en concurrence entre les lycées, comme la réforme Vidal va renforcer celle entre universités.

La réforme Blanquer est donc bien une machine idéologique au service d’un lycée général élitiste et propédeutique aux études supérieures.

Ce lycée n’est donc que l’aboutissement d’une politique réactionnaire de refus de la démocratisation scolaire. On revient à un tri précoce, plus au niveau du certificat d’études mais en fin de 3e.

Le socle, base de l’enseignement obligatoire ; apprentissage, CAP et bac pro (avec comme seule poursuite d’études possible, le BTS) pour certain·es ; le lycée général, mini université destinée à trier les futur·es étudiant·es, pour les autres.

On semble entendre « Nous ne pouvons pas donner à tou·tes la possibilité de « réussir » dans les mêmes conditions, donc nous donnons à chacun·e la chance de trouver une place dans le futur appareil de production économique en fonction de ses « capacités » et de ses « efforts » … », bref, l’antienne méritocratique qui n’est qu’un alibi pour masquer et encourager la reproduction des inégalités sociales de réussite scolaire.

 C’est sur le refus du tri social que nous devons bâtir notre argumentaire pour mobiliser les collègues contre ce projet et renforcer encore la mobilisation contre la sélection à l’université avec les lycéen·es et les étudiant·es.

 

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