AESH Renforcement de la précarité

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Lors du Comité Technique Ministériel du 16 mai, le ministre a présenté un projet de décret modifiant celui relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des AESH (décret 2014-724 du 27 juin 2014). Ce projet prévoit de réduire la durée nécessaire aux AVS sous contrat CUI, de 2 années à 9 mois pour prétendre à un CDD AESH, auxquelles s’ajouteront 6 années de CDD AESH pour prétendre à un CDI…

Est-ce réellement une bonne nouvelle ? La CGT Éduc’action rappelle que le passage de CUI à CDD AESH s’accompagne trop souvent d’une perte de salaire. En effet, si les CUI sont rémunérés à 20 h par semaine soit une rémunération 57,2 % du SMIC, celle d’un·e salarié·e AESH pour le même nombre d’heure n’est que de 49 % avec l’annualisation. C’est donc une perte conséquente de près de 100 €/mois, pour les personnels travaillant à temps partiels imposés.

Depuis 2005 et la Loi sur le handicap, des dizaines de milliers de salarié·es ont accompagné des élèves en situation de handicap avec un contrat d’insertion (CAE/CUI). La très grande majorité de ces personnels s’est retrouvée au chômage à l’issue de leur 2 ou 3 voire 5 années de CUI et remplacée par d’autres salarié·es précaires. Quelques un·es ont pu obtenir le fameux CDD AESH depuis sa création en 2014, relançant une nouvelle période de 6 années de CDD. La CGT Éduc’action estime que la prise en compte des années d’emplois aidés dans le décompte pour obtenir un CDI aurait été une mesure minimale d’avancée.

Depuis août 2017, le gouvernement annonce sa volonté de mettre fin aux contrats aidés. En réduisant le nombre d’années nécessaires pour obtenir un CDD AESH de droit public, le ministre de l’Éducation Nationale met en place les possibilités d’extinction des CUI pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Il instaure aussi l’obligation faite aux salarié·es sous contrat CUI de basculer en CDD AESH avec le risque de perte de salaire pour le même nombre d’heures travaillées.

La CGT Éduc’action revendique toujours la création de réels emplois d’accompagnement des élèves en situation de handicap sous statut de la Fonction publique et la titularisation de tous les salarié·es qui le souhaitent quel que soit leur contrat.

Pour les AESH, la CGT Éduc’action exige aussi que leur temps de service intègre non seulement le temps de présence avec élèves mais aussi tous les temps de concertation, de réunions d’équipe de suivi de scolarité (ESS), des rencontres avec la famille, les temps d’échanges avec l’enseignant·e, et des temps de formation initiale et continue. En ce sens, la modification de l’article 8 qui précise la durée minimale (au moins 60 heures) de la formation pour les AESH qui ne sont pas titulaires d’un diplôme professionnel peut apparaître une bonne nouvelle, compte-tenu des disparités d’offre de formation selon les départements. Mais pour la CGT Éduc’action, elle reste nettement insuffisante pour permettre une bonne connaissance des différents handicaps que peuvent rencontrer les AESH dans le cadre de leur mission d’accompagnement. La CGT Éduc’action regrette aussi que la question des salaires soit absente des discussions, plongeant encore plus ces personnels dans la grande précarité.

 Compte-rendu de l’audience en Mayenne le 17 mai 2018

Jeudi 17 mai 2018, deux représentants de la CGT Éduc’Action 53 ont été reçus, à leur demande, à la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN), par M. Mauger, secrétaire général de la DSDEN, et M. Trocherie, chef de la division des élèves, des écoles et des établissements.

1) Nature du contrat et recrutement des AESH

État des lieux :

Il existe 3 types de contrats pour les AESH :

  • les AESH i, qui suivent un élève notifié et seulement cet élève ;
  • les AESH mutualisés qui travaillent sur une classe en particulier (il s’agit le plus souvent des AESH en ULIS) ;
  • les AESH co qui peuvent accompagner plusieurs élèves.

Or, il a été constaté :

  • qu’un groupe d’élèves pouvait être pris en charge par un AESH, seul ;
  • que des AESH i suivaient d’autres élèves que ceux pour lesquels ils sont prescrits ;
  • que des ASESH assuraient des tâches administratives en fin d’année pour compléter les heures (horaires annualisés) ;
  • que des AESH avaient des EDT changés sans arrêt (notamment dans le second degré avec les élèves en stage).

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : Le contrat de travail doit être respecté, les missions doivent être respectées. On ne peut pas demander n’importe quoi à un agent qui sorte de ses missions et du contrat de travail. Les chefs de service (directeurs d’école dans le premier degré et chefs d’établissements dans les collèges/ lycées) ne doivent pas faire faire des missions autres que celles prévues par le contrat. La CGT Éduc’Action demande à ce que la DSDEN envoie un courrier aux chefs de service en ce sens (respect des missions et du contrat de travail).

Réponse des représentants de la DSDEN : Des recadrages ont déjà été effectués quand cela était nécessaire. Parfois, un conseiller pédagogique AESH a été envoyé sur place.  Il est rappelé qu’il existe une note de service rectorale sur le sujet, disponible en ligne. Est évoquée la possibilité de renvoyer cette note aux chefs de service.

 2) Temps de travail, équipes de suivi (ESS), temps de concertation, sorties scolaires

État des lieux : Il arrive fréquemment que des collègues assurent des temps de concertation, de préparation, sorties scolaires en dehors des heures de services. Par ailleurs, les ESS sont souvent organisées en dehors du temps de travail. Ces heures qui sont accomplies en dehors du temps de service, sans récupération, correspondent bien à du bénévolat. Par exemple, la notification handicap ne comprend que le temps en classe (temps du matin, temps en récréation ne sont pas pris en compte = temps de bénévolat, cantine en bénévolat si pas de notification MDA)

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : Il est rappelé que le point I. 3. a. de la circulaire du 8 juillet 2014 précise que le temps de service de l’AESH ne se limite pas à de l’accompagnement de l’élève, car il contribue au suivi et à la mise en œuvre du projet personnalisé de celui-ci (PPS). D’autres activités doivent donc être décomptées dans son temps de travail.  Ainsi, les heures de concertation doivent être comptabilisées dans le temps de travail. Pour les ESS, les AESH en sont membres en application de l’article L112-2-1 du Code de l’Education, qui stipule que les ESS « comprennent l’ensemble des personnes qui concourent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation… » De ce fait, l’ESS doit pouvoir être organisée sur le temps de travail du personnel AESH. Si ce n’est pas le cas, les personnels AESH doivent pouvoir défalquer le temps passé en ESS de leur temps de travail hebdomadaire.

Aussi, la CGT Éduc’Action revendique à minima :

  • 1h par semaine de temps de préparation du PPS
  • 1h par enfant en moyenne deux fois par an pour préparer les ESS.
  • 1h / mois pour les réunions de synthèse SESSAD (rencontre famille et professionnels)
  • 1h par an pour remplir le dossier administratif GEVACSO

Réponse des représentants de la DSDEN : Le sujet sera remonté au niveau académique. Il est rappelé que l’objectif premier de la DSDEN est que chaque élève bénéficiant d’une prescription d’accompagnement soit effectivement accompagné. Cependant un problème dans le financement des moyens est mentionné. Il est signalé que les prescriptions en Mayenne se font sur un nombre d’heures supérieur à ce qui est constaté ailleurs dans l’académie, ce qui grève d’autant les moyens à disposition.

3) Quotité

État des lieux : Les situations sont très diverses. Très peu de collègues sont sur des temps plein : c’est le cas pour des collègues exerçant en lycée (le nombre d’heures d’accompagnement est plus long pour un lycéen que pour un élève de maternelle, de primaire ou de collège) Sinon, le constat est fait que les collègues sont sur des quotités allant de 20h à 27h. Ces collègues sont la plupart du temps désireux de plus grande quotité et reçoivent un avis défavorable de la DSDEN. Le contrat est établi au prorata de la quotité travaillée. Les AESH sont tributaires du nombre d’élèves qui leurs sont confiés chaque année et doivent jongler avec le temps de présence de ou des élèves dont le suivi leur est confié dans leur établissement. Si 24h est un «temps plein » pour un élève dans le 1er degré en terme de temps d’enseignement, cela ne correspond pas à un 100% de salaire pour un AESH en CDD mais bien à une rémunération proratisée.

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : La CGT Éduc’Action revendique des augmentations de quotités et des temps pleins pour les collègues qui le souhaitent.

Réponse des représentants de la DSDEN : Il est rappelé que la quotité de 35h, qui peut correspondre au suivi de 2 élèves, est possible en collège, mais moins en école. Il est rappelé également que les services de la DSDEN se montrent vigilants quant au nombre de kilomètres effectués quand le service est partagé entre deux écoles (pas supérieur à 20 km).

4) CDIsation

 État des lieux : Selon le décret de 2014, qui fixe les conditions générales d’éligibilité à la CDIsation, il ressort que la CDIsation ne concerne que les personnels ayant exercé pendant 6 ans les fonctions d’aide à l’inclusion scolaire (AVS) en qualité d’AESH en CDD ou d’Assistant d’Éducation. Le ministère exclut de fait tous les salariés AVS en CUI. En clair, cela veut dire qu’ils doivent refaire 6 ans de CDD avant d’espérer obtenir un CDI. Pour certains, cela veut dire 8 à 11 ans avant un hypothétique CDI ! Rappel : la CDIsation ne veut pas dire devenir fonctionnaire, on laisse les agents dans la précarité, même en CDI. La CDIsation se fait sur la dernière quotité comme CDD.

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : La CGT Éduc’Action revendique la transformation de tous les CUI pour l’aide à l’inclusion scolaire en AESH; la titularisation de tous les salariés quel que soit le contrat (CUI ou AESH)

Réponse des représentants de la DSDEN : Il est dit qu’une plus grande attention sera portée au processus de CDIsation afin de pérenniser les personnels sur les plus hautes quotités possibles. Par ailleurs, il est précisé que l’objet de l’entretien qui s’effectue lors de la 5e année, avec l’IEN AESH et la coordinatrice AESH, est bien la CDIsation.

5) Formation

 État des lieux : Il est bien précisé, dans les textes, que les AESH qui ne sont pas titulaires d’un diplôme professionnel dans le domaine de l’aide à la personne suivent une formation d’adaptation à l’emploi de 60 heures incluse dans leur temps de service effectif. Ils peuvent en outre bénéficier, sur leur temps de service effectif, de la formation nécessaire à l’obtention du diplôme. Or, l’administration considère que les collègues, détenteurs des diplômes d’éducateurs ou AMP doivent être convoqués à ces mêmes formations, reconnaissant ainsi l’emploi de personnes diplômées et qualifiées. Le constat est fait que les formations, quand elles sont dispensées ne servent pas à grand-chose pour les collègues. Ce sont des échanges de pratiques alors que les collègues ont besoin de théorie, de connaître les troubles, de savoir comment les appréhender. On sous-entend aussi que ces 60 heures de formation vaudraient 3 années d’étude…3 années dont la moitié est consacrées à la théorie, et l’autre à la pratique. Au-delà de ces situations, ces 60 h permettent-elles d’avoir les « armes » pour occuper correctement ce poste ?

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : La CGT Éduc’Action revendique d’une part que les formations d’adaptation à l’emploi aient bien lieu sur le temps de travail. Elle exige par ailleurs que les formations proposées correspondent aux besoins des agents, qu’elles portent vraiment sur leur « métier », sur les troubles des élèves qu’ils accompagnent. Enfin, la CGT Éduc’Action revendique une véritable formation débouchant sur un diplôme de niveau bac minimum (niveau IV).

Réponse des représentants de la DSDEN : Il est signalé qu’il y a 650 AESH en Mayenne et que cela ne permet pas de plan individualisé de formation, d’autant plus le calendrier de formation est établi à la rentrée, mais que des recrutements d’AESH sont effectués tout au long de l’année. Pour la DSDEN, le temps de formation est bien décompté du temps de travail.

 6) Rémunération

État des lieux : Désormais, le passage à l’IM 320 peut se faire au bout de 3 ans sous certaines conditions. Le passage d’un indice s’effectue au regard de l’ancienneté et des rapports annuels ou entretiens professionnels positifs. Dans la procédure d’évaluation, les AESH en CDD font l’objet d’un entretien professionnel à l’issue de la 1ère année et au cours de la 5ème année.  Cependant, chaque année, un rapport annuel est sollicité. Ainsi, la DSDEN peut s’appuyer sur les rapports annuels pour les AESH en CDD qui ont 3 années d’ancienneté. La rémunération des AESH en CDI fait l’objet d’un réexamen triennal au regard des résultats des entretiens professionnels. Concernant cette grille, les textes précisent que l’évolution de la rémunération ne peut excéder 6 points d’indices majorés tous les 3 ans. Les AESH « bénéficient » d’une rémunération qui ne peut être inférieure au traitement indiciaire correspondant au SMIC, ni supérieure au traitement afférent à l’indice brut 400.

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : La CGT Éduc’Action dénonce une grille honteuse et irrespectueuse pour les personnels.  L’emploi d’AESH permet à l’Éducation Nationale de faire des économies substantielles dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Qui veut être AESH aujourd’hui, et être payé par exemple 620 euros pour 21 heures par semaines…si ce n’est par contraintes sociales ou par amour du service public? La CGT Éduc’Action demande l’augmentation des grilles de rémunération et demande d’inclure l’expérience professionnelle dans le reclassement et le recrutement des AESH (pour les titulaires d’un diplôme recensé au RNCP). / au même titre que les enseignants contractuels qui sont recrutés en fonction de leur diplôme et de leur expérience professionnelle.

Réponse des représentants de la DSDEN : Il est rappelé que cette question, liée à la grille de rémunération, ne peut être portée qu’à un niveau académique, voire national.

7) Rapport à la hiérarchie

État des lieux : Il y a une certaine difficulté d’être écouté et entendu par la hiérarchie (DSDEN). Les agents sont parfois mal traités voire humiliés. La responsable des AESH en Mayenne semble utiliser son pseudo-pouvoir et recadrer les agents qui auraient des demandes trop insistantes (se voir augmenter la quotité de service par exemple). Par ailleurs, elle dispose du pouvoir d’affectation des agents. Il y a donc une pression émise sur les agents due à leur précarité. Plusieurs exemples nous sont remontés en ce sens. Il est rappelé que la hiérarchie n’est pas notre amie, que pour les rencontres avec la hiérarchie (interne à un établissement, ou à la DSDEN) en dehors de l’entretien professionnel, il est indispensable d’être accompagné par un collègue, un syndicaliste, représentant des personnels…

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : La CGT Éduc’Action demande à ce que les rapports hiérarchiques restent bienveillants vis-à-vis des agents, que les collègues soient respectés dans leur demande et dans les échanges avec la hiérarchie, qu’il leur soit systématiquement proposé d’être accompagné (en dehors de l’entretien professionnel).

Réponse des représentants de la DSDEN : Il est rappelé que les services de la DSDEN sont bienveillants avec les personnels AESH, que ces derniers ne doivent pas hésiter, en cas de problème, à contacter les services de la DSDEN qui les ont recrutés, et avec lesquels ils ont réalisé leur entretien de recrutement.

8) Conditions de travail et troubles de plus en plus lourds

État des lieux : Pour certains élèves, l’inclusion est plus que compliquée voire impossible, des situations de violences envers les agents, des conditions de travail dégradées, des élèves qu’on casse plus que l’on inclut. Les AESH font face à des comportements très violents, peuvent être désarmés devant certaines situations et se sentent impuissants. On demande aux AESH de faire un travail d’éducateur spécialisé. Cela génère parfois mal être et souffrance au travail. Les agents restent souvent isolés face aux difficultés rencontrées, pas de concertation entre collègues afin de faire le point et de trouver des réponses collectives.

Revendication portée par la CGT Éduc’Action : La CGT Éduc’Action dénonce les dérives de la politique inclusive et déplore les risques psychosociaux des agents (enseignants et AESH). Elle revendique un temps de concertation dans le temps de travail entre collègues afin de trouver des réponses collectives face aux difficultés rencontrées.

Réponse des représentants de la DSDEN : Il est signalé que la Mayenne n’a pas assez de structures d’accueil, d’où le recours à l’inclusion.

BILAN

  1. Mauger informe que M. Waleckx, directeur académique, sera informé du contenu de l’audience. M. Trocherie informe qu’une réunion aura lieu au niveau académique le 4 juin, lors de laquelle il évoquera le sujet.
  2.  Mauger retient la nécessaire réflexion de la DSDEN sur l’idée d’une augmentation de la quotité de service des AESH, calculée sur la quotité prescrite pour accompagner l’élève ou les élèves, afin que les personnels AESH puissent effectuer toutes les missions qui leur sont demandées sur leur temps de travail.

 La CGT Educ’Action sera reçue le 3 juillet prochain au audience au Rectorat pour échanger sur les problématiques au plan académique.

N’hésitez pas à nous contacter pour faire part de vos remarques et revendications.

 Vos élu.es  de la Commission AED AESH:

Thibault Guiné fabrice.guine@gmail.com 

Julie Chastre      chastre@gmail.com

 

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